Méningite bactérienne

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Sommaire

    La méningite bactérienne est une infection aiguë des méninges, pouvant se compliquer d’une atteinte cérébrale et de séquelles neurologiques et auditives irréversibles.
    Il s'agit d'une urgence médicale. Le traitement repose sur l’administration parentérale précoce d’un antibiotique pénétrant bien le liquide céphalorachidien (LCR). L’antibiothérapie est probabiliste en l’absence d’identification du germe ou en l’attente de résultats en cours.
    Les germes les plus fréquemment en cause varient selon l’âge et/ou le contexte :

    Cas isolés de méningite

    • Enfant de 0 à 3 mois :
      • Enfant ≤ 7 jours : bacilles Gram négatif (Klebsiella spE. coliS. marcescensPseudomona sp, Salmonella sp) et streptocoques du groupe B.
      • Enfant > 7 jours : S. pneumoniae (50% des méningites bactériennes)

    L. monocytogenes est occasionnellement responsable de méningite durant cette période.

    • Enfant de 3 mois à 5 ans : S. pneumoniae, H. influenza B et N. meningitidis
    • Enfant de plus de 5 ans et adulte : S. pneumoniae et N. meningitidis

     

    Situations particulières :

    • Patient immunodéprimé (HIV, malnutrition) : proportion importante de bacilles Gram négatif (notamment Salmonella sp) mais aussi M. tuberculosis
    • Drépanocytose : Salmonella sp et S. aureus sont les germes les plus fréquents.
    • Si la méningite est associée à une infection cutanée ou une fracture du crâne, une infection à S. aureus est possible.

    Méningite dans un contexte épidémique

    En région sahélienne (mais pas exclusivement, p. ex. Rwanda, Angola, Brésil), en saison sèche, des épidémies de méningite à méningocoque (Neisseria meningitidis A ou C ou W135) touchent les enfants à partir de l’âge de 6 mois, les adolescents et les adultes. Pendant comme en dehors de ces périodes, tous les germes habituellement responsables de méningite peuvent également être impliqués, en particulier chez les jeunes enfants.

    Signes cliniques

    Le tableau clinique dépend de l’âge du patient.

    Enfant de plus d’un an et adulte

    • Fièvre, céphalées intenses, photophobie, raideur de la nuque.
    • Signes de Brudzinski et de Kernig : le patient allongé fléchit involontairement les genoux quand on lui fléchit le cou ou quand on lui lève les jambes à la verticale, genoux en extension.
    • Purpura pétéchial ou ecchymotique (souvent lié à une infection à méningocoque)
    • Dans les formes sévères : coma, convulsions, signes de focalisation, purpura fulminans

    Enfant de moins d’un an

    Les signes classiques sont en règle absents.

    • Irritabilité, fièvre ou hypothermie, altération de l’état général, refus de s’alimenter/téter ou vomissements.
    • Les autres signes peuvent être : convulsions, apnées, troubles de la conscience, bombement de la fontanelle (en dehors des cris) ; occasionnellement : raideur de la nuque et éruption purpurique.

    Laboratoire

    • Ponction lombaire (PL)
      • Examen macroscopique du LCR ; débuter immédiatement l'antibiothérapie si la PL ramène un LCR trouble.
      • Examen microscopique : coloration de Gram (une coloration de Gram négative n’élimine pas le diagnostic) et numération leucocytaire.
      • En contexte épidémique, une fois l’étiologie méningococcique confirmée, la PL n'est plus systématique pour les nouveaux cas.

     

    Pression

    Aspect

    Num. leucocytaire
    (leucocytes/mm3)

    Protéines

    Autres

    LCR normal

     

    Limpide

    < 5

    Pandy–
    < 40 mg/dl

    Méningite bactérienne

    ++++

    Trouble

    100-20 000
    principalement neutrophiles

    Chez le nouveau-né :
    > 20

    Chez l’immunodéprimé,
    le nombre de leucocytes
    peut être < 100

    Pandy+
    100-500 mg/dl

    Coloration de
    Gram+

    Méningite virale

    Normal à +

    Limpide

    10-700
    principalement lymphocytes

    Pandy–

    Méningite tuberculeuse

    +++

    Limpide
    ou légèrement jaune

    < 500
    principalement lymphocytes

    Pandy+

    BAAR+

    Méningite à cryptocoque

    ++++

    Limpide

    < 800
    principalement lymphocytes

    Pandy–

    Test encre
    de Chine+

     

    • Test rapide d’identification des antigènes solubles.

     

    Remarque : dans les régions où le paludisme est endémique, éliminer un paludisme sévère (test rapide ou frottis et goutte épaisse).

    Traitement d'un cas isolé de méningite

    Antibiothérapie

    Pour le choix de l’antibiothérapie et les posologies selon l’âge, voir tableau ci-dessous.

     

     

     

    En l'absence d'infection cutanée En présence d'infection cutanée
    (y compris du cordon ombilical)

    Premier choix

    Alternative

    Premier choix

    Alternative

    0 à 7 jours
    < 2 kg

    ampicilline IV
    100 mg/kg toutes les 12 heures
    +
    céfotaxime IV
    50 mg/kg toutes les 12 heures

    ampicilline IV
    100 mg/kg toutes les 12 heures
    +
    gentamicine IV
    3 mg/kg une fois par jour

    cloxacilline IV
    50 mg/kg toutes les 12 heures
    +
    céfotaxime IV
    50 mg/kg toutes les 12 heures

    cloxacilline IV
    50 mg/kg toutes les 12 heures
    +
    gentamicine IV
    3 mg/kg une fois par jour

    0 à 7 jours
    ≥ 2 kg

    ampicilline IV
    100 mg/kg toutes les 8 heures
    +
    céfotaxime IV
    50 mg/kg toutes les 8 heures

    ampicilline IV
    100 mg/kg toutes les 8 heures
    +
    gentamicine IV
    5 mg/kg une fois par jour

    cloxacilline IV
    50 mg/kg toutes les 8 heures
    +
    céfotaxime IV
    50 mg/kg toutes les 8 heures

    cloxacilline IV
    50 mg/kg toutes les 8 heures
    +
    gentamicine IV
    5 mg/kg une fois par jour

    8 jours à < 1 mois
    ≥ 2 kg

    ampicilline IV
    100 mg/kg toutes les 8 heures
    +
    céfotaxime IV
    50 mg/kg toutes les 8 heures

    ampicilline IV
    100 mg/kg toutes les 8 heures
    +
    gentamicine IV
    5 mg/kg une fois par jour

    cloxacilline IV
    50 mg/kg toutes les 6 heures
    +
    céfotaxime IV
    50 mg/kg toutes les 8 heures

    cloxacilline IV
    50 mg/kg toutes les 6 heures
    +
    gentamicine IV
    5 mg/kg une fois par jour

    1 à 3 mois

    ampicilline IV
    100 mg/kg toutes les 8 heures 
    +
    ceftriaxone IV
    100 mg/kg à J1
    puis à partir de J2 : 100 mg/kg une fois par jour ou 50 mg/kg toutes les 12 heures

    ampicilline IV
    100 mg/kg toutes les 8 heures
    +
    gentamicine IV
    2,5 mg/kg toutes les 8 heures

    cloxacilline IV
    50 mg/kg toutes les 6 heures
    +
    ceftriaxone IV
    100 mg/kg à J1
    puis à partir de J2 : 100 mg/kg une fois par jour ou 50 mg/kg toutes les 12 heures

    cloxacilline IV
    50 mg/kg toutes les 6 heures
    +
    gentamicine IV
    2,5 mg/kg toutes les 8 heures

    > 3 mois

    ceftriaxone IV
    Enfant : 100 mg/kg à J1 puis à partir de J2 : 100 mg/kg une fois par jour ou 50 mg/kg toutes les 12 heures (max. 4 g par jour)

    cloxacilline IV
    Enfant < 40 kg : 50 mg/kg toutes les 6 heures
    Enfant ≥ 40 kg : 2 g toutes les 6 heures
    +
    ceftriaxone IV
    Enfant : 100 mg/kg à J1 puis à partir de J2 : 100 mg/kg une fois par jour ou 50 mg/kg toutes les 12 heures (max. 4 g par jour)

    Adulte

    ceftriaxone IV : 4 g une fois par jour ou 2 g toutes les 12 heures

    cloxacilline IV : 2 g toutes les 6 heures
    +
    ceftriaxone IV : 4 g une fois par jour ou 2 g toutes les 12 heures

     

    Durée de l’antibiothérapie :

     

    1) En fonction du germe :

    • Haemophilus influenzae : 7 jours
    • Streptococcus pneumoniae : 10-14 jours
    • Streptocoque groupe B et Listeria : 14-21 jours
    • Bacilles Gram négatif : 21 jours
    • Neisseria meningitidis : voir antibiothérapie dans un contexte épidémique

     

    2) Si l’étiologie n’est pas connue :

    • Enfant < 3 mois : 2 semaines après la stérilisation du LCR ou 21 jours
    • Enfant > 3 mois et adulte : 10 jours. Il faut envisager de prolonger le traitement –ou de reconsidérer le diagnostic– si la fièvre persiste au-delà de 10 jours. En revanche, un traitement de 7 jours par la ceftriaxone suffit chez les patients répondant rapidement au traitement.

    Traitements complémentaires

    • L’administration précoce de dexaméthasone réduit le risque de déficit auditif chez les patients atteints de méningite à H. influenzae ou S. pneumoniae.
      Elle est indiquée dans les méningites dues à ces germes ou lorsque l’agent bactérien en cause est inconnu, sauf chez le nouveau-né (et dans les méningites présumées méningocciques en contexte épidémique).
      dexaméthasone IV [1] Citation 1. D. van de Beek, C. Cabellos, O. Dzupova, S. Esposito, M. Klein, A. T. Kloek, S. L. Leib, B. Mourvillier, C. Ostergaard, P. Pagliano, H.W. Pfister, R. C. Read, O. Resat Sipahi, M.C. Brouwer. ESCMID guideline: diagnosis and treatment of acute bacterial meningitis, 2016.
      https://www.clinicalmicrobiologyandinfection.com/article/S1198-743X(16)00020-3/pdf
      [2] Citation 2. Sheldon L Kaplan, MD. Bacterial meningitis in children: Dexamethasone and other measures to prevent neurologic complications. UpToDate [consulté le 25 février 2019].
      Enfant > 1 mois : 0,15 mg/kg (max. 10 mg) toutes les 6 heures pendant 2 à 4 jours
      Adulte : 10 mg toutes les 6 heures pendant 2 à 4 jours
      Le traitement doit être débuté avant ou avec la première dose d’antibiotique, sinon il n’apporte aucun bénéfice.
    • Assurer une bonne alimentation et une bonne hydratation (perfusions, sonde nasogastrique si nécessaire).
    • Convulsions (Chapitre 1).
    • Coma : prévention d'escarres, soins de bouche, soins d'yeux, etc.

    Traitement d'une méningite dans un contexte d’épidémie

    Antibiothérapie

    N. meningitidis est le germe le plus probable.

     

    Age Traitement [3] Citation 3. Organisation mondiale de la Santé. Contrôle des épidémies de méningite en Afrique. Guide de référence rapide à l’intention des autorités sanitaires et des soignants. 2015.
    https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/154598/WHO_HSE_GAR_ERI_2010.4_Rev1_fre.pdf?sequence=1

    Enfant < 2 mois

    ceftriaxone IV (a) Citation a. Le solvant de la ceftriaxone pour injection IM contient de la lidocaïne. Reconstituée avec ce solvant, la ceftriaxone ne doit jamais être administrée en IV. Pour l’administration IV, utiliser uniquement de l’eau pour préparation injectable. ou IM (b) Citation b. Pour la voie IM, administrer la moitié de la dose dans chaque fesse si nécessaire. pendant 7 jours
    100 mg/kg une fois par jour 

    Enfant ≥ 2 mois et adulte

    ceftriaxone IV (a) Citation a. Le solvant de la ceftriaxone pour injection IM contient de la lidocaïne. Reconstituée avec ce solvant, la ceftriaxone ne doit jamais être administrée en IV. Pour l’administration IV, utiliser uniquement de l’eau pour préparation injectable. ou IM (b) Citation b. Pour la voie IM, administrer la moitié de la dose dans chaque fesse si nécessaire. pendant 5 jours
    Enfant de 2 mois à < 5 ans : 100 mg/kg une fois jour (max. 2 g par jour)
    Enfant ≥ 5 ans et adulte : 2 g une fois par jour

    Remarque :

    Un protocole de ceftriaxone en une dose IM peut être utilisé chez les enfants à partir de l’âge de 2 ans et les adultes en cas d’épidémie de méningite à méningocoque si celle-ci est 1) confirmée par un laboratoire de référence et 2) dépasse les capacités de prise en charge avec le traitement de 5 jours. S’informer du protocole national. Néanmoins, il est essentiel de s’assurer du suivi des cas après 24 heures.
    ceftriaxone IM a Citation a. Pour la voie IM, administrer la moitié de la dose dans chaque fesse si nécessaire.
    Enfant de 2 à < 12 ans : 100 mg/kg dose unique
    Enfant ≥ 12 ans et adulte : 4 g dose unique
    En l'absence d'amélioration (c.-à-d. fièvre > 38,5 °C, convulsions répétées, apparition/aggravation des troubles de la conscience ou des signes neurologiques) 24 heures après l’injection, passer au protocole de 5 jours comme ci-dessus.

    Traitements complémentaires

    • Assurer une bonne alimentation et une bonne hydratation (perfusions, sonde nasogastrique si nécessaire).
    • Convulsions (Chapitre 1).
    • Coma : prévention d'escarres, soins de bouche, soins d'yeux, etc.
    • L’administration de dexaméthasone n’est pas indiquée.

     

    Notes
    • (a)Pour la voie IM, administrer la moitié de la dose dans chaque fesse si nécessaire.
    • (a) Le solvant de la ceftriaxone pour injection IM contient de la lidocaïne. Reconstituée avec ce solvant, la ceftriaxone ne doit jamais être administrée en IV. Pour l’administration IV, utiliser uniquement de l’eau pour préparation injectable.
    • (b) Pour la voie IM, administrer la moitié de la dose dans chaque fesse si nécessaire.
    Références