Fièvres entériques (typhoïde et paratyphoïde)

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Sommaire

    Dernière mise à jour : Septembre 2022

     

     

    Les fièvres entériques comprennent la fièvre typhoïde, due à Salmonella enterica sérotype Typhi (S. Typhi) et la fièvre paratyphoïde, due à Salmonella enterica sérotype Paratyphi A, B ou C (S. Paratyphi). 

    La transmission est directe (mains sales) ou indirecte (consommation d'eau ou d'aliments contaminés par des selles de malades ou de porteurs sains).

    Les fièvres entériques sont endémiques en Asie du Sud, centrale et du Sud-Est, en Afrique subsaharienne, en Océanie, et dans une moindre mesure, en Amérique latine.

    Un traitement efficace réduit considérablement le risque de complications et de décès.

    Signes cliniques

    Les manifestations cliniques des fièvres typhoïde et paratyphoïde sont les mêmes. Le début est insidieux et les formes varient de légères à sévères.

    • Le signe caractéristique est une fièvre prolongée. L'ascension est progressive au cours de la première semaine, la fièvre reste en plateau la deuxième semaine puis baisse entre la troisième et la quatrième semaine. 
    • Des signes et symptômes non spécifiques sont fréquemment associés : troubles digestifs (douleurs abdominales, constipation ou diarrhée, vomissements), céphalées, malaise, frissons, fatigue, toux non productive et/ou hépato-splénomégalie. 
    • Une éruption cutanée maculaire érythémateuse au niveau du tronc, un abattement extrême et/ou une bradycardie relative (dissociation pouls-température) peuvent être présents.
    • Des complications graves surviennent chez environ 27% des patients hospitalisés [1] Citation 1. Cruz Espinoza LM, McCreedy E, Holm M, et al. Occurrence of typhoid fever complications and their relation to duration of illness preceding hospitalization: a systematic literature review and meta-analysis. Clin Infect Dis 2019;69(Suppl 6):S435-48.
      https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6821330/ [consulté le 28 juin 2022]
      , en général au cours de la deuxième ou troisième semaine de la maladie. Elles comprennent : altération de la conscience, hémorragie ou perforation intestinale ou péritonite, choc, néphrite. Chez les femmes enceintes, une infection sévère peut entraîner des complications fœtales (fausse couche, accouchement prématuré, mort intra-utérine).
    • Une rechute peut survenir 2 à 3 semaines après la guérison. En général, elle n'est pas due à une résistance aux antibiotiques et un re-traitement est nécessaire.

     

    Le diagnostic clinique est difficile car les fièvres entériques ressemblent à d'autres infections présentent dans les zones où celles-ci sont endémiques. Les principaux diagnostics différentiels sont : paludisme, brucellose, leptospirose, typhusrickettsioses, sepsis et dengue.

    Laboratoire

    • Culture de S. Typhi ou Paratyphi et antibiogramme (échantillons de sang et de selles).
    • Dans tous les cas, test rapide de diagnostic du paludisme dans les régions endémiques (et traitement antipaludique si nécessaire, voir Paludisme, Chapitre 6).
    • Le sérodiagnostic de Widal, les autres tests sérologiques et les tests de diagnostic rapide ne sont pas recommandés (faible sensibilité et spécificité).

    Traitement

    Dans tous les cas

    • Hydrater et traiter la fièvre (Chapitre 1). La fièvre disparaît en général 4 à 5 jours après le début de l'antibiothérapie si celle-ci est efficace.
    • Le choix de l'antibiothérapie dépend de la sensibilité de la souche ou, lorsque la sensibilité n'est pas connue, des données récentes sur la sensibilité des souches dans la région. S'informer des recommandations nationales. A titre indicatif :
      • Des souches résistantes au chloramphénicol, à l'ampicilline/amoxicilline et au cotrimoxazole (souches multirésistantes, MDR) sont présentes dans la plupart des régions du monde.
      • La ciprofloxacine est utilisée en première intention dans certains pays, toutefois la résistance aux fluoroquinolones est endémique en Asie et augmente dans plusieurs régions du monde [2] Citation 2. Browne AJ, Hamadani BHK, Kumaran EAP, Rao P, et al. Drug-resistant enteric fever worldwide, 1990 to 2018: a systematic review and meta-analysis. BMC Medicine 2020;18:1+22.
        https://doi.org/10.1186/s12916-019-1443-1 [consulté le 23 février 2022]
        .
      • Une résistance à la ceftriaxone a été identifiée dans plusieurs régions [2] Citation 2. Browne AJ, Hamadani BHK, Kumaran EAP, Rao P, et al. Drug-resistant enteric fever worldwide, 1990 to 2018: a systematic review and meta-analysis. BMC Medicine 2020;18:1+22.
        https://doi.org/10.1186/s12916-019-1443-1 [consulté le 23 février 2022]
        .
      • Il existe des souches MDR également résistantes aux fluoroquinolones et aux céphalosporines de troisième génération (souches ultrarésistantes, XDR) [3] Citation 3. Klemm EJ, Shakoor S, Page AJ, Qamar FN, et al. Emergence of an Extensively Drug-Resistant Salmonella enterica Serovar Typhi Clone Harboring a Promiscuous Plasmid Encoding Resistance to Fluoroquinolones and Third-Generation Cephalosporins. mBio. 2018 Jan-Feb; 9(1): e00105-18. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5821095/ [consulté le 26 juin 2022] .

    Cas non compliqués (ambulatoire)

    Les cas non compliqués (la grande majorité des cas) peuvent être traités avec une antibiothérapie par voie orale.

    • Antibiotiques de première intention :
      azithromycine PO pendant 7 jours (y compris chez les cas MDR et XDR et chez les femmes enceintes)
      Enfant : 10 à 20 mg/kg (max. 1 g) une fois par jour 
      Adulte : 500 mg à 1 g une fois par jour ou 1 g à J1 puis 500 mg une fois par jour
      ou
      céfixime PO pendant 10 à 14 jours (sauf souches résistantes aux céphalosporines de troisième génération et XDR)
      Enfant : 10 mg/kg (max. 200 mg) 2 fois par jour
      Adulte : 200 mg 2 fois par jour
    • Les alternatives peuvent être, uniquement si des données récentes montrent une sensibilité des souches à ces antibiotiques dans la région :
      amoxicilline PO pendant 14 jours
      Enfant : 30 mg/kg (max. 1 g) 3 fois par jour 
      Adulte : 1 g 3 fois par jour
      ou
      co-trimoxazole PO pendant 14 jours
      Enfant : 20 mg SMX + 4 mg TMP/kg (max. 800 mg SMX + 160 mg TMP) 2 fois par jour 
      Adulte : 800 mg SMX + 160 mg TMP 2 fois par jour

    Cas sévères (hospitalisation)

    • Les cas sévères comprennent :
      • aspect toxique ou altération de la conscience ou complication médicale ou chirurgicale ;
      • administration orale impossible en raison de vomissements persistants.

    Ces cas doivent être traités sous surveillance étroite. L'antibiothérapie est d'abord parentérale, puis orale lorsque la fièvre diminue, que le patient s'améliore au plan clinique et qu'il peut tolérer un traitement oral.

    • Commencer par ceftriaxone IV a Citation a. Le solvant de la ceftriaxone pour injection IM contient de la lidocaïne. Reconstituée avec ce solvant, la ceftriaxone ne doit JAMAIS être administrée en IV. Pour l’administration IV, utiliser uniquement de l’eau pour préparation injectable. (y compris chez les femmes enceintes)
      Enfant : 50 à 100 mg/kg (max. 4 g) une fois par jour 
      Adulte : 2 g une ou 2 fois par jour
      Puis changer pour azithromycine PO (comme ci-dessus) pour compléter 7 jours de traitement au moins.
    • En cas de résistance suspectée ou confirmée à la ceftriaxone ou de souches XDR, utiliser le méropénème IV, y compris chez les femmes enceintes, puis changer pour azithromycine PO pour compléter 7 jours de traitement au moins.

    Mesures additionnelles

    • En cas d'altération de la conscience ou choc, dexaméthasone IV : 3 mg/kg puis 1 mg/kg toutes les 6 heures pendant 2 jours (8 doses au total)
    • Traiter en soins intensifs en cas de choc, hémorragie intestinale importante ou suspicion de perforation/péritonite. Si suspicion de perforation/péritonite, réaliser un bilan chirurgical en urgence et ajouter du métronidazole à la ceftriaxone afin de couvrir les bactéries anaérobies b Citation b. Ne pas ajouter de métronidazole si le patient reçoit du méropénème (le méropénème couvre déjà les bactéries anaérobies). .

    Prévention

    • Mesures d'hygiène communes à toutes les diarrhées : lavage des mains ; consommation d'eau traitée (chlorée, bouillie, en bouteille, etc.) ; lavage/cuisson des aliments, etc.
    • A l'hôpital : pour les patients souffrant de diarrhée aqueuse, envisager la désinfection des excréta avec une solution chlorée, si les selles sont recueillies dans des seaux.
    • Vaccination avec le vaccin conjugué contre la typhoïde en zones endémiques c Citation c. Pour plus d'information, voir Vaccins antityphoïdiques : note de synthèse de l’OMS : http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/272272/WER9313.pdf?ua=1 . Ce vaccin peut être utilisé dans le cadre du contrôle d’une épidémie de typhoïde. Il ne protège pas de la fièvre paratyphoïde.

     

    Notes
    • (a)Le solvant de la ceftriaxone pour injection IM contient de la lidocaïne. Reconstituée avec ce solvant, la ceftriaxone ne doit JAMAIS être administrée en IV. Pour l’administration IV, utiliser uniquement de l’eau pour préparation injectable.
    • (b)Ne pas ajouter de métronidazole si le patient reçoit du méropénème (le méropénème couvre déjà les bactéries anaérobies).
    • (c)Pour plus d'information, voir Vaccins antityphoïdiques : note de synthèse de l’OMS : http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/272272/WER9313.pdf?ua=1
    Références
    • 1.Cruz Espinoza LM, McCreedy E, Holm M, et al. Occurrence of typhoid fever complications and their relation to duration of illness preceding hospitalization: a systematic literature review and meta-analysis. Clin Infect Dis 2019;69(Suppl 6):S435-48.
      https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6821330/ [consulté le 28 juin 2022]
    • 2. Browne AJ, Hamadani BHK, Kumaran EAP, Rao P, et al. Drug-resistant enteric fever worldwide, 1990 to 2018: a systematic review and meta-analysis. BMC Medicine 2020;18:1+22.
      https://doi.org/10.1186/s12916-019-1443-1 [consulté le 23 février 2022]
    • 3.Klemm EJ, Shakoor S, Page AJ, Qamar FN, et al. Emergence of an Extensively Drug-Resistant Salmonella enterica Serovar Typhi Clone Harboring a Promiscuous Plasmid Encoding Resistance to Fluoroquinolones and Third-Generation Cephalosporins. mBio. 2018 Jan-Feb; 9(1): e00105-18. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5821095/ [consulté le 26 juin 2022]