5.3 Déshydratation sévère

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Sommaire

    La déshydratation sévère est une urgence. Le patient est hospitalisé et traité immédiatement par voie IV selon le protocole suivant.

     

    Pour les femmes enceintes, voir la Section 5.7, pour les enfants sévèrement malnutris, la Section 5.8, pour les enfants présentant des signes d’anémie sévère, la Section 5.9.

    5.3.1 Protocole de traitement (Plan C)

    Réhydratation intraveineuse

    Enfant de 5 ans et plus et adulte

     

    30 ml/kg de Ringer lactate a Citation a. Le soluté de choix est le Ringer lactate. A défaut, le chlorure de sodium à 0,9% (avec ou sans glucose) peut être utilisé. Les solutés contenant uniquement du glucose (p.ex. glucose à 5%) ne doivent pas être utilisés.  (RL) en 30 minutes
    Renouveler une fois si les signes de danger persistent
    puis
    70 ml/kg de RL en 3 heures

     

    Un tiers du volume est administré rapidement, en 30 minutes (bolus). Le but de rétablir un volume circulatoire suffisant pour corriger l’hypoperfusion tissulaire. Les deux tiers restants sont  administrés plus lentement, en 3 heures.

     

    Exemple :
    Un adulte (± 60 kg) doit recevoir 6 litres (100 ml x 60 kg) de RL de la façon suivante :
    2 litres (30 ml x 60 kg) en 30 minutes puis, s’il s’améliore (conscient, pouls bien frappé), 4 litres (70 ml x 60 kg) en 3 à 4 heures (1 litre toutes des 45 minutes ou plus simplement 1 litre par heure).
    S’il est toujours léthargique et/ou si son pouls reste faible après le premier bolus de 30 ml/kg, il reçoit de nouveau 2 litres (30 ml x 60 kg) en 30 minutes, puis les derniers 4 litres en 3 à 4 heures.
    Pour les volumes à administrer, se référer à lAnnexe 5.

     

    Enfant de moins de 5 ans

     

    20 ml/kg de RL en 15 minutes
    Renouveler jusqu’à 2 fois si les signes de danger persistent
    puis
    70 ml/kg de RL en 3 heures

     

    Exemple :
    Un enfant de 11 kg doit recevoir environ 1 litre (90 ml x 11 kg) de RL de la façon suivante :
    250 ml de RL (20 ml x 11 kg) en 15 minutes puis, s’il s’améliore (pas de signes de danger), 750 ml (70 ml x 11 kg) en 3 heures.
    Si des signes de danger sont toujours présents après le premier bolus, renouveler le bolus (jusqu’à 2 fois si nécessaire), en réévaluant après chaque bolus la présence de signes de danger, puis administrer 750 ml en 3 heures.
    Pour les volumes à administrer, se référer à lAnnexe 5.

     

    Si le patient peut boire, débuter la SRO immédiatement.

    Compensation des pertes en cours

    Pendant la phase de réhydratation, les nouvelles pertes (selles) doivent être compensées. A titre indicatif, dès que le patient peut boire :

     

    Donner après chaque selle :

    • 50 à 100 ml de SRO chez l’enfant de moins de 2 ans
    • 100 à 200 ml de SRO chez l’enfant de 2 à 10 ans
    • 200 à 250 ml de SRO chez l’enfant de plus de 10 ans et l’adulte

     

    Le nombre de tasses de SRO bues doit correspondre au nombre de selles émises.

    Si le patient ne peut boire ou vomit la SRO, les pertes en cours sont compensées par voie IV avec du RL (Section 5.3.3), jusqu’à ce que le patient tolère la voie orale.

    Traitements complémentaires

    Ces traitements sont donnés dès que le patient est stable au plan hémodynamique et capable de boire.

     

    • Antibiothérapie

    Administrer l’un des antibiotiques suivants, en fonction de l’antibiogramme :

     

    Tableau 5.4 - Antibiothérapie

    Antibiotique Enfant Adulte
    doxycycline PO 4 mg/kg dose unique 300 mg dose unique
    azithromycine PO 20 mg/kg dose unique 1 g dose unique

    ciprofloxacine PO b Citation b. La ciprofloxacine ne devrait être utilisée que si l’antibiogramme montre une résistance à la doxycycline et à l’azithromycine et une sensibilité à la ciprofloxacine. Les souches de vibrions résistantes à la ciprofloxacine sont en augmentation, ce qui pourrait compromettre son utilisation à l’avenir. De plus, la ciprofloxacine est le traitement de première intention d’autres diarrhées bactériennes (E. coli, salmonelloses, shigelloses) et son utilisation à large échelle en dose unique dans les épidémies de choléra pourrait contribuer au développement des résistances chez ces bactéries.

    20 mg/kg dose unique 1 g dose unique

     

    • Sulfate de zinc

    Débuter le traitement de 10 jours avec le sulfate de zinc PO :
    Enfant de moins de 6 mois : 10 mg une fois par jour
    Enfant de 6 mois à 5 ans : 20 mg une fois par jour
    Montrer aux parents comment administrer le zinc car le traitement doit être poursuivi à domicile (Section 5.6.1).
    Pour les doses exactes, se référer à l’Annexe 7.

    5.3.2 Suivi du patient

    Pendant les premières 30 minutes

    • Surveiller étroitement le patient jusqu’à ce que le pouls soit bien perçu et que la conscience s’améliore.
    • Surveiller le volume perfusé. S’assurer que le débit permet d’administrer le volume prescrit dans les délais prévus.
    • En l’absence d’amélioration après le premier bolus, administrer un 2e bolus (au total 3 bolus maximum chez les enfants de moins de 5 ans).
    • Si l’état de conscience ne s’est pas amélioré après le 2e bolus, penser à une hypoglycémie, mesurer la glycémie et/ou administrer d’emblée du glucose (Section 5.10.1).

    Pendant les 3 heures suivantes

    • Refaire un bilan toutes les 30 minutes :
      • S’assurer que le volume prescrit passe dans les délais prévus (débit correctement réglé, cathéter fonctionnel).
      • Vérifier qu’il n’y a pas de signe de danger.
    • Noter les entrées (RL et SRO).
    • Noter les sorties (une croix pour chaque selle et vomissement).
    • Exercer une surveillance plus étroite en cas de diarrhée/vomissements très abondants et chez les enfants de moins de 5 ans et les sujets âgés.
    • Si des signes de danger réapparaissent, ré-administrer un ou des bolus jusqu’à ce que le patient s’améliore, puis reprendre le cours normal de la réhydratation ; chez les enfants de moins de 5 ans, vérifier la glycémie. En cas d’hypoglycémie, se référer à la Section 5.10.1.
    • Si un œdème péri-orbital ou des extrémités ou des difficultés respiratoires apparaissent au cours de la perfusion, penser à une surcharge hydrique (Section 5.10.4).

    A la fin de la phase de réhydratation

    Une fois le volume de RL prescrit administré, réévaluer l’état d’hydratation du patient. S’il ne présente plus de signes de déshydratation, passer à la phase d’entretien. Arrêter la perfusion mais laisser le cathéter en place.

     

    Des signes de déshydratation peuvent persister à la fin de la phase de réhydratation si le patient était plus déshydraté qu’estimé lors de l’examen initial ou si les nouvelles pertes n’ont pas été compensées pendant la réhydratation.

    • Si le patient présente toujours des signes de déshydratation sévère, renouveler le traitement IV de 3 heures, en commençant par le bolus.
    • Si le patient présente des signes de déshydratation modérée : continuer la réhydratation avec 75 ml/kg de SRO administrés en 4 heures (Section 5.4). Arrêter la perfusion mais laisser le cathéter en place. Pour ces patients, poursuivre la surveillance horaire jusqu’à ce que les signes de déshydratation aient disparus et que le passage à la phase d’entretien soit possible.

    5.3.3 Aspect pratiques

    Réhydratation IV

    • Accès veineux c Citation c. La sonde gastrique n’a pas de place dans le traitement de la déshydratation sévère ou de l’état de choc : elle ne permet pas un remplissage rapide et massif.
      • Utiliser un cathéter 18G chez l’adulte (ou 20G si les veines sont petites) et un cathéter 22G ou 24G chez l’enfant.
      • Utiliser de préférence les veines de l’avant-bras ou du pli du coude. Les veines des mains et des pieds ne permettent pas d’administrer les perfusions à débit élevé et les cathéters sont difficiles à maintenir en place.
      • Chez l’adulte, un 2e cathéter peut être posé sur une veine du bras opposé pour administrer les 2 premiers litres en 30 minutes. Il doit ensuite être retiré quand le pouls est bien perçu, pour ne garder qu’un seul cathéter en place.
      • Avoir toujours à porter de main un dispositif pour poser une aiguille intra-osseuse si la pose d’un cathéter IV est impossible.
      • S’il est impossible de poser une voie veineuse périphérique après 90 secondes, utiliser la voie jugulaire externe ou intra-osseuse (Annexe 6). Chez le nourrisson, les veines épicrâniennes peuvent être utilisées à titre provisoire s’il est impossible de poser rapidement un cathéter veineux mais la voie intra-osseuse est à privilégier.
    • Administration des perfusions
      • Positionner la poche de RL le plus haut possible pour augmenter le débit.
      • Chez l’enfant perfusé au pli du coude, immobiliser le bras avec une attelle (carton ou abaisse-langue, recouverts d’une bande).
      • Indiquer au marqueur, sur chaque poche, le numéro de la poche et le nombre total de poches prescrit (1/6, 2/6, 3/6, etc.). Chez les jeunes enfants, utiliser un perfuseur pédiatrique avec burette de dosage (150 ml), chez les grands enfants tracer une ligne sur la poche indiquant le volume à administrer.
      • Noter le volume administré (en litres ou ml) sur la feuille de surveillance.
      • Surveiller régulièrement le cathéter. Il doit être changé en cas de déplacement, infiltration ou inflammation locale, fièvre inexpliquée, mais pas systématiquement tant qu’il reste propre et fonctionnel.
    • Fin de la perfusion

    Une fois le traitement IV terminé, arrêter la perfusion mais laisser le cathéter en place. En principe, le cathéter devrait être retiré au bout de 4 à 6 heures si le patient 1) n’a ni diarrhée profuse ni vomissements, 2) compense bien les pertes par voie orale et 3) ne présente pas de signes de déshydratation. Tenir compte toutefois de la difficulté potentielle à rétablir un accès veineux en cas de besoin (jeunes enfants, personnes âgées, patients obèses, difficiles à piquer).

    Administration de la SRO

    C’est habituellement l’accompagnant qui fait boire la SRO au patient mais la consommation effective de SRO doit être étroitement surveillée par le personnel médical.

    Estimation des pertes en cours (sorties)

    • Selles et vomissements

    Ne pas essayer de mesurer le volume des selles et vomissements mais noter leur nombre au fur et à mesure sur la feuille de surveillance.

    Le nombre de selles produites permet d’estimer le volume à remplacer.

    Les vomissements ne sont pas pris en compte dans les volumes à remplacer mais doivent être surveillés de manière à savoir si le patient retient (ou non) la SRO.

     

    • Urines

    Les urines ne sont pas comptabilisées comme pertes en tant que telles. Il faut toutefois s’assurer que le patient a uriné au moins une fois au cours ou à la fin de la réhydratation.

    Compensation des pertes en cours

    Chaque nouvelle selle est compensée par 50 à 100 ml de SRO chez l’enfant de moins de 2 ans ; 100 à 200 ml de SRO chez l’enfant de 2 à 10 ans ; 200 à 250 ml de SRO chez l’enfant de plus de 10 ans et l’adulte.

     

    Si le patient est incapable de boire, les pertes en cours doivent être compensées par voie IV.
    Plusieurs techniques sont possibles :

    • Compenser les pertes au fur et à mesure (heure par heure) : brancher une 2e perfusion en Y sur la ligne principale, ouvrir le « flacon annexe » pour administrer le volume estimé (p.ex., 4 selles émises chez un enfant de < 2 ans = 200 ml de RL en une heure) et refermer. Refaire le bilan des sorties l’heure suivante et administrer la quantité voulue de RL, etc. Ce dispositif permet d’administrer le volume de RL correspondant à celui des selles émises, sans toucher à la perfusion principale qui sert à la réhydratation. Cette option requiert un personnel déjà bien entraîné.
    • Compenser l’ensemble des pertes à la fin de la période de réhydratation de 3 heures sur une période à déterminée en fonction du volume à passer (ne pas dépasser 25 ml/kg/heure).
      Par exemple, si un enfant de 3 ans a eu 8 selles en 3 heures, il faudra lui restituer 800 ml (8 x 100 ml) en 3 heures à la fin de la réhydratation.

     

    Notes
    • (a)Le soluté de choix est le Ringer lactate. A défaut, le chlorure de sodium à 0,9% (avec ou sans glucose) peut être utilisé. Les solutés contenant uniquement du glucose (p.ex. glucose à 5%) ne doivent pas être utilisés.
    • (b)La ciprofloxacine ne devrait être utilisée que si l’antibiogramme montre une résistance à la doxycycline et à l’azithromycine et une sensibilité à la ciprofloxacine. Les souches de vibrions résistantes à la ciprofloxacine sont en augmentation, ce qui pourrait compromettre son utilisation à l’avenir. De plus, la ciprofloxacine est le traitement de première intention d’autres diarrhées bactériennes (E. coli, salmonelloses, shigelloses) et son utilisation à large échelle en dose unique dans les épidémies de choléra pourrait contribuer au développement des résistances chez ces bactéries.
    • (c)La sonde gastrique n’a pas de place dans le traitement de la déshydratation sévère ou de l’état de choc : elle ne permet pas un remplissage rapide et massif.