10.3 Soins du nouveau-né malade

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Sommaire

    10.3.1 Signes de danger

    Les signes de danger peuvent être présents dès la naissance ou apparaître dans les heures ou jours qui suivent la naissance.
    Ils doivent être recherchés systématiquement chez tous les nouveau-nés, à la naissance puis au cours du séjour en maternité ou à la première visite post-natale si l'enfant est né à la maison.
    La présence d'un de ces signes nécessite une prise en charge immédiate (Section 10.3.2) et un transfert urgent en unité de soins néonatals.

     

    Signes de danger

    Température

    • Hyperthermie (température axillaire > 38 °C)
    • Hypothermie (température axillaire < 35,5 °C)

    Signes neurologiques

    • Bombement de la fontanelle
    • Hypotonie
    • Léthargie ou coma
    • Incapacité à téter
    • Convulsions, y compris mouvements subtils anormaux :
      • errance oculaire avec ou sans spasmes, battement des paupières
      • succion, mâchonnement ou autres mouvements de la bouche
      • mouvements de pédalage ou de boxe

    Respiration

    • Apnée ou bradypnée (FR < 30/minute)
    • Tachypnée (FR > 60/minute)
    • Tirage intercostal
    • Geignement expiratoire
    Cœur
    • Tachycardie (FC > 180/minute)
    • Allongement du temps de recoloration capillaire (> 2 secondes)

    Abdomen

    Distension abdominale sévère

    Coloration

    • Cyanose généralisée (coloration bleue)
    • Pâleur extrême
    • Ictère étendu (coloration jaune)

    Peau

    • Ombilic rouge, sanguinolent ou purulent
    • Pustules nombreuses ou de grande taille

    Articulations

    Articulation gonflée, douloureuse (irritabilité lors de la mobilisation) et réduction des mouvements

    Glycémie

    Hypoglycémie récurrente (glycémie < 2,5 mmol/litre ou < 45 mg/dl à plus de 2 reprises)

     

    10.3.2 Prise en charge générale 

    • Stabiliser l'enfant avant de le transférer en unité de soins néonatals :
      • Positionner la tête pour libérer les voies aériennes.
      • Administrer de l’oxygène avec des lunettes nasales adaptées, au débit maximal de 2 litres/minute. La SpO2 doit être comprise entre 90 et 95%.
      • En cas d'apnée ou si la FR est < 20/minute : ventiler manuellement (Section 10.2.1).
      • Vérifier la glycémie et/ou traiter une hypoglycémie (Section 10.3.4).
    • En attendant le transfert :
      • Maintenir le nouveau-né au chaud dans une pièce à 23-25 °C enveloppé dans une couverture ou sous une rampe chauffante, lui mettre un bonnet.
      • Surveiller étroitement température, FR et SpO2.
      • Débuter le traitement d'une infection néonatale (Section 10.3.3). 
      • S’assurer que tous les soins de routine sont réalisés (Section 10.1).
      • Alimenter le nouveau-né (Annexe 4) ; uniquement si nécessaire, poser une sonde nasogastrique et/ou compléter avec une alimentation parentérale (Annexe 5). 

     

     
    En cas de détresse respiratoire sévère ou distension abdominale ou coma : ne rien donner par la bouche. Placer une perfusion si possible (Annexe 5).

     

    10.3.3 Infections néonatales

    Suspicion d'infection néonatale sévère

    Les signes de danger peuvent révéler une infection néonatale sévère pour laquelle un transfert en unité de soins néonatals et une antibiothérapie sont nécessaires.

     

    En attendant le transfert en unité de soins néonatals, débuter l’antibiothérapie :

    • Le traitement de première intention est l’association ampicilline IV + gentamicine IM. L’ampicilline est utilisée de préférence en IV, la voie IM peut être une alternative si le contexte ne permet pas l’administration correcte en IV. Toutefois, afin d’éviter de multiples injections IM, il peut être préférable d’utiliser : benzylpénicilline procaïne IM + gentamicine IM.
    • Si une méningite est suspectée, ne pas utiliser de benzylpénicilline procaïne.
    • Si l’origine de l’infection est cutanée, remplacer l’ampicilline par la cloxacilline IV. a Citation a. En raison du risque de nécrose locale, la cloxacilline doit être administrée en perfusion IV dans du glucose 5% ou du chlorure de sodium 0,9% en 30-60 minutes (ou à défaut, en IV lente en 5 minutes minimum).
    • Le traitement dure au total 7 à 10 jours selon l'évolution clinique. La gentamicine doit être arrêtée après 5 jours de traitement.

     

    Tableau 10.5 - Dosage des antibiotiques 

     


    Antibiotique

    Poids de naissance

    ≤ 2000 g

    > 2000 g

    ampicilline injection IV/IM

    50 mg/kg toutes les 12 heures

    Si méningite :
    100 mg/kg toutes les 12 heures

    50 mg/kg toutes les 8 heures

    Si méningite :
    100 mg/kg toutes les 8 heures

    gentamicine injection IM

    3 mg/kg toutes les 24 heures

    5 mg/kg toutes les 24 heures

    benzylpénicilline procaïne (a) Citation a. Ne jamais administrer la benzylpénicilline procaïne par voie IV.

    injection IM

    50 000 UI/kg toutes les 24 heures

    Si méningite : ne pas administrer.

    cloxacilline perfusion IV

    25 mg/kg toutes les 12 heures

    25 mg/kg toutes les 8 heures

    Nouveau-nés asymptomatiques à risque d'infection néonatale

    Chez un nouveau-né asymptomatique (absence de signes de danger) pour lesquels l'évaluation des facteurs de risque d'infection néonatale à la naissance a été positive (Section 10.1.1Examen clinique et évaluation des facteurs de risque) :

    • Administrer une antibiothérapie pendant 48 heures [1] Citation 1. Organisation mondiale de la Santé. Mémento de soins hospitaliers pédiatriques. Prise en charge des affections courantes de l'enfance, 2e édition, 2015.
      https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/187940/9789242548372_fre.pdf?sequence=1
       
      ampicilline IV + gentamicine IM ou benzylpénicilline procaïne IM + gentamicine IM. Pour les doses, se référer au Tableau 10.5.
    • Surveiller l’apparition de signes de danger (Section 10.3.1). Si le nouveau-né présente au moins un signe de danger, traiter une infection néonatale sévère comme ci dessus.
    • Si le nouveau-né n’a jamais présenté de signes de danger au cours des premières 48 heures, arrêter l’antibiothérapie et garder en observation 24 à 48 heures supplémentaires.
    • Si le nouveau-né n’a pas présenté de signes de danger pendant l’observation et à l’examen clinique de sortie : retour à domicile. Dans ce cas, indiquer aux parents les signes justifiant une consultation immédiate.

     

    Remarque : les enfants nés à domicile, vus pour la première fois après 72 heures de vie et ne présentant pas de signes d'infection ne doivent pas recevoir l'antibioprophylaxie même si un facteur de risque maternel a été retrouvé.

    10.3.4 Hypoglycémie

    L'hypoglycémie est fréquente chez le nouveau-né. Elle est souvent asymptomatique ou se manifeste par des signes non spécifiques. Une hypoglycémie récurrente ou persistante peut provoquer des séquelles neurologiques.

    Diagnostic

    • Taux de glucose sanguin < 2,5 mmol/litre ou < 45 mg/dl. 
    • La mesure de la glycémie est réalisée sur prélèvement de sang capillaire, au niveau des parties latérales du talon, à l’aide d’une lancette ou aiguille 24G. 

     

    Contrôler systématiquement la glycémie chez :

    • Les nouveau-nés à risque d'hypoglycémie (Section 10.1.1, Examen clinique et évaluation des facteurs de risque).
    • Les nouveau-nés présentant un de ces signes :
      •  Hypothermie  
      •  Agitation ou trémulations 
      •  Bradypnée ou apnée ou cyanose
      •  Hypotonie ou faible réactivité à la stimulation ou altération de la conscience 
      •  Convulsions

    Prise en charge

    Hypoglycémie modérée (2 à 2,4 mmol/litre ou 35 à 44 mg/dl) asymptomatique 

    • Nourrir immédiatement le nouveau-né (lait maternel de préférence).
    • Uniquement si le lait n'est pas disponible, donner 5 ml/kg de glucose 10% PO en 5 à 10 minutes.
    • Vérifier la glycémie après 30 minutes :
      • Si elle est normale (≥ 2,5 mmol/litre ou ≥ 45 mg/dl) : s'assurer que le nouveau-né tète régulièrement et vérifier la glycémie avant chaque tétée jusqu'à l’obtention de 3 résultats normaux consécutifs.
      • Si elle reste < 2,5 mmol/litre ou < 45 mg/dl, traiter comme une hypoglycémie récurrente.

     

    Hypoglycémie sévère (< 2 mmol/litre ou < 35 mg/dl) ou symptomatique ou récurrente

    • Donner 5 ml/kg de glucose 10% PO ou par sonde nasogastrique en 5 à 10 minutes, ou si une voie veineuse est déjà en place, 2 ml/kg de glucose 10% en IV lente (en 2 à 3 minutes). 
    • Vérifier la glycémie après 30 minutes :
      • Si elle est normale (≥ 2,5 mmol/litre ou ≥ 45 mg/dl) : s'assurer que le nouveau-né tète régulièrement et vérifier la glycémie après 30 minutes puis avant chaque tétée jusqu'à l’obtention de 3 résultats normaux consécutifs.
      • Si elle reste < 2,5 mmol/litre ou < 45 mg/dl ou si le nouveau-né reste symptomatique, administrer la même dose de glucose 10% (5 ml/kg PO ou 2 ml/kg IV lente) puis référer en unité de soins néonatals. En attendant le transfert, mettre en place si possible une perfusion continue de glucose 10% (80 ml/kg sur 24 heures) et continuer à surveiller la glycémie.

     

    Remarque : en dernier recours, s’il est impossible de poser une perfusion ou une sonde nasogastrique, du glucose 50% (1 ml/kg) peut être administré par voie sublinguale (1 ml/kg).

    10.3.5 Ictère néonatal

    L'ictère néonatal est en général bénin mais un ictère grave peut entraîner une encéphalopathie aiguë avec risque de séquelles neurologiques et de décès.

    Diagnostic

    • Coloration jaune de la peau et des sclérotiques due à une augmentation du taux de bilirubine dans le sang. L'ictère apparaît d’abord au niveau de la face puis touche le tronc puis les extrémités.
    • L’examen doit être réalisé à la lumière du jour. Presser la peau et observer immédiatement après retrait de la pression si sa couleur est jaune.
    • Rechercher des critères de transfert en unité de soins néonatals :

     

    Tableau 10.6 - Critères de transfert en unité de soins néonatals des nouveau-nés avec ictère grave

     

    Age

     Critères de transfert

    Jour 1

    Ictère visible quelque soit son étendue

    Jour 2

    Ictère visible quelque soit son étendue chez un nouveau-né < 1500 g ou présentant au moins un facteur de risque (b) Citation b. Les facteurs de risque sont :
    – incompatibilité ABO ou Rhésus entre la mère et l'enfant
    – difficultés d'alimentation (déshydratation, perte de poids)
    – déficit en G6PD, à évoquer face à un antécédent familial d'ictère sévère et dans les zones de prévalence du déficit en G6PD (Afrique sub-saharienne, péninsule arabique et certaines régions d'Asie et du bassin méditerranéen)
    – infection néonatale
    – cephalhématome ou contusions

    Ictère modéré (tête, thorax, abdomen, cuisses) chez un nouveau-né > 1500 g

    Jour 3
    ou plus

    Ictère étendu (tête, thorax, abdomen, bras, cuisses, jambes) chez un nouveau-né < 1500 g ou avec facteur(s) de risque (b) Citation b. Les facteurs de risque sont :
    – incompatibilité ABO ou Rhésus entre la mère et l'enfant
    – difficultés d'alimentation (déshydratation, perte de poids)
    – déficit en G6PD, à évoquer face à un antécédent familial d'ictère sévère et dans les zones de prévalence du déficit en G6PD (Afrique sub-saharienne, péninsule arabique et certaines régions d'Asie et du bassin méditerranéen)
    – infection néonatale
    – cephalhématome ou contusions

    Ictère très étendu (tête, thorax, abdomen, bras, cuisses, jambes, mains, pieds) chez un nouveau-né > 1500 g

    Prise en charge

    Le nouveau-né n'a pas besoin d'être transféré

    • Mettre au sein 8 à 12 fois par jour.
    • Surveiller pendant 12 à 18 heures une éventuelle extension de l'ictère.  
    • Si tout va bien le nouveau-né peut sortir. Donner à la mère les conseils de sortie communs à tous les nouveaux-nés (Section 10.6) et des conseils spécifiques relatifs à l'ictère : revenir si les selles deviennent claires et les urines foncées ou si l'ictère dure plus de 2 semaines.

     

    Le nouveau-né doit être transféré

    • Mettre au sein 8 à 12 fois par jour les premiers jours si le nouveau-né peut téter. Si nécessaire, supplémenter avec du lait maternel extrait au tire-lait ou du lait artificiel. Utiliser une sonde nasogastrique si l'alimentation orale est impossible.
    • Débuter le traitement d’une infection si présente (Section 10.3.3).

    10.3.6 Convulsions

    Chez le nouveau-né, les convulsions sont souvent des mouvements subtils anormaux, répétitifs, stéréotypés (Section 10.3.1).

    • Contrôler la glycémie et/ou traiter une hypoglycémie (Section 10.3.4).
    • Administrer du phénobarbital IV si les convulsions durent plus de 3 minutes ou se répètent (> 2 à 3 épisodes en une heure) ou sont accompagnées de troubles cardiorespiratoires :
      • Dose de charge : 20 mg/kg en perfusion IV lente en 30 minutes. Le phénobarbital ne doit jamais être administré en injection IV directe rapide. Si l’administration en perfusion IV est impossible, administrer la même dose de phénobarbital (non diluée) en IM.
      • Si les convulsions persistent après 30 minutes, administrer une seconde dose de phénobarbital (10 mg/kg) en perfusion IV de 30 minutes comme ci-dessus. Si l’administration en perfusion IV est impossible, administrer la seconde dose de phénobarbital non diluée en IM (10 mg/kg) au moins 60 minutes après la première dose IM.

    Ne pas dépasser une dose totale 40 mg/kg.

    • Tous les nouveaux-nés ayant reçu du phénobarbital doivent être transférés en unité de soins néonatals. 
    • Surveiller étroitement le nouveau-né en attendant le transfert. Il existe un risque de dépression respiratoire ; avoir à portée de main du matériel pour ventiler.

     

    Notes
    • (a)En raison du risque de nécrose locale, la cloxacilline doit être administrée en perfusion IV dans du glucose 5% ou du chlorure de sodium 0,9% en 30-60 minutes (ou à défaut, en IV lente en 5 minutes minimum).
    • (a)Ne jamais administrer la benzylpénicilline procaïne par voie IV.
    • (b) Les facteurs de risque sont :
      – incompatibilité ABO ou Rhésus entre la mère et l'enfant
      – difficultés d'alimentation (déshydratation, perte de poids)
      – déficit en G6PD, à évoquer face à un antécédent familial d'ictère sévère et dans les zones de prévalence du déficit en G6PD (Afrique sub-saharienne, péninsule arabique et certaines régions d'Asie et du bassin méditerranéen)
      – infection néonatale
      – cephalhématome ou contusions
    Références