8.4 Analyse et évaluation au niveau des structures de traitement du choléra

Select language:
Permalink
Sommaire

    8.4.1 Nombre d’admissions hebdomadaires

    Le nombre de cas admis chaque semaine dans une structure de traitement du choléra donne une indication de l’évolution de l’épidémie et de l’intensité de la transmission dans la zone où la structure opère.
    Le suivi du nombre hebdomadaire des cas aide également à gérer les structures de traitement en termes de stocks, lits et ressources humaines.
    Si, au début de l’épidémie, les chiffres d’admissions hebdomadaires montrent que le nombre de cas attendus a été sous-estimé, réajuster rapidement les stocks, le nombre de lits et les ressources humaines initialement prévus.
    A la phase tardive de l’épidémie, lorsque les admissions commencent à diminuer, décider de fermer un certain nombre de lits et réaffecter une partie du personnel dans d’autres structures.

    8.4.2 Taux de létalité hebdomadaire

    Au début et à la fin d’une épidémie, le TL peut être supérieur à 1%, car il y a relativement peu de patients et un seul décès représente une proportion importante des cas admis.
    En début d’épidémie, le TL peut être plus élevé dans les CTC pendant la première ou les deux premières semaines, si le CTC n’est pas encore parfaitement fonctionnel.

     

    Remarque : il est démontré que la mortalité globale déclarée au cours d’une épidémie peut être largement sous-estimée lorsque seuls les décès survenus dans les structures de traitement sont pris en compte [1] Citation 1. Luquero FJ, Rondy M, Boncy J, et al. Mortality Rates during Cholera Epidemic, Haiti, 2010-2011. Emerg Infect Dis. 2016 Mar;22(3):410-6. . Ajouter les cas et décès communautaires aux données des structures de traitement permet d’avoir un aperçu plus global de la situation épidémiologique.
    Un grand nombre de décès communautaires indique au minimum que l’accès aux soins et/ou la communication publique sur les soins disponibles (emplacement des structures, gratuité des soins, etc.) est insuffisant(e).

    8.4.3 Classes d’âge

    En cas d’une épidémie en zone non-endémique, toutes les classes d’âge sont exposées de manière égale au risque de choléra symptomatique. La proportion des cas dans chaque classe d’âge est la même que celle de chaque classe d’âge dans la population générale (pour les enfants de moins de 5 ans : 17 à 20%).

     

    En cas d’épidémie en zone endémique, une immunité naturelle s’installe avec l’âge et l’exposition répétée à Vibrio cholerae au cours des années. Dans ce contexte, les cas de choléra chez les enfants de moins de 5 ans sont proportionnellement plus fréquents (environ 25 à 35%).
    Vers la fin d’une épidémie, lorsque le nombre total de cas diminue, la proportion d’enfants de moins de 5 ans augmente (p.ex. au-delà de 50%) car les autres diarrhées aqueuses non cholériques, fréquentes chez les enfants, prédominent de nouveau.
    Si la proportion de cas parmi les moins de 5 ans est beaucoup plus faible qu’attendu, rechercher un problème d’accès aux soins pour les jeunes enfants.

    8.4.4 Origine géographique des patients

    Il est recommandé de noter d’où viennent les patients et d’analyser ces données pour suivre l’évolution de l’épidémie et affecter les ressources aux populations les plus touchées.

     

    Une concentration de cas dans un endroit donné suggère une source commune d’infection (p.ex. une rivière ou un puits contaminé). Les mesures de contrôle appropriées peuvent être mises en œuvre une fois cette source commune identifiée.

     

    Si l’analyse montre que des populations sont touchées successivement le long d’une rivière ou d’un grand axe de communication (axe routier ou ferroviaire p.ex.), des mesures de prévention peuvent être mises en œuvre pour protéger les populations encore épargnées.

     

    Un nombre croissant de patients provenant de zones non couvertes par un CTC donné indique que ce CTC doit être déplacé ou encore que des sites de traitement supplémentaires doivent être mis en place dans la ou les zone(s) d’où proviennent les nouveaux cas.

    8.4.5 Sexe

    Biologiquement, les hommes et les femmes ont les mêmes chances d’être infectés et de développer un choléra symptomatique.

     

    En début d’épidémie, il peut y avoir une proportion supérieure d’hommes ou de femmes affectés par le choléra, en fonction des tâches quotidiennes de l’un ou l’autre sexe. Ceci fournit des informations sur la source et/ou le mode transmission du vibrion. Toutefois, au fur et à mesure que l’épidémie évolue, les proportions s’égalisent.

     

    Si la proportion de femmes et filles est nettement plus faible que celle des hommes, vérifier qu’il n’y ait pas un problème d’accès aux soins pour les femmes et les filles.

    8.4.6 Statut vaccinal du patient vis-à-vis du choléra

    Lorsqu’une une vaccination contre le choléra a eu lieu dans les années précédant l’épidémie actuelle, l’enregistrement du statut vaccinal des patients admis dans les structures de traitement aide les chercheurs et responsables nationaux à évaluer l’efficacité du vaccin et de la stratégie vaccinale.

    8.4.7 Grossesse

    Les femmes enceintes représentent normalement de 2 à 6% de la population générale et devraient représenter la même proportion des admissions dans un CTC.

    8.4.8 Investigation des décès

    Seul un petit nombre de patients admis dans un CTC/UTC en choc hypovolémique ou avec une comorbidité grave meure malgré une prise en charge adaptée. Cette situation doit rester exceptionnelle. Le traitement devrait être efficace pour la grande majorité des patients, y compris les plus fragiles ou les plus déshydratés.

     

    Pour tout décès

    • Examiner systématiquement le dossier du patient, en tenant compte du temps écoulé depuis l’admission (voir ci-dessous).
    • Rechercher des erreurs ou insuffisances au niveau :
      • du diagnostic
      • de la prescription
      • de l’exécution des soins
      • de la surveillance

    Spécifiquement :

    • Rechercher un défaut de diagnostic ou la prise en charge inadaptée d’une infection aiguë grave concomitante (p. ex. paludisme sévère) ou d’une complication du choléra (p.ex. hypokaliémie, hypoglycémie).
    • Vérifier que d’éventuels facteurs de risque individuels (p.ex. âge extrême de la vie, malnutrition aiguë sévère ou maladie cardiovasculaire connue) ont bien été pris en compte.
    • Déterminer si la mort est directement liée à un acte médical (p.ex. perfusion excessive du patient, administration rapide de potassium injectable, fausse route et asphyxie due à une sonde gastrique mal placée) ou si elle résulte d’un défaut de soins (déshydratation non traitée).
    • Revoir les conditions de la prise en charge : disponibilité ou au contraire manque de matériel et médicaments, de personnel ou de compétences techniques.

     

    Pour les décès dans les 4 heures qui suivent l’admission
    Comme pour tout décès (voir ci-dessus) et en plus :

    • Rechercher spécifiquement :
      • Un délai trop long d’attente au triage;
      • Une gestion inappropriée de l’urgence vitale (p. ex. choc hypovolémique).
    • Si le patient a été référé par un PRO, vérifier si la durée du transport ou l’absence de soins pendant le transport ont joué un rôle dans la détérioration de l’état du patient.
    • Si le patient est arrivé par ses propres moyens, vérifier d’où il venait. Une longue distance pour atteindre le centre, le manque de transport et/ou une information insuffisante sur le recours aux soins peuvent entraîner des retards de traitement.

     

    Selon les problèmes identifiés, les mesures suivantes doivent être prises :

    • Renforcer la formation et les compétences techniques du personnel, en particulier dans les secteurs traitant les cas sévères.
    • S’assurer qu’il y a suffisamment de personnel et de matériel jour et nuit, en particulier dans les secteurs traitant les cas sévères.
    • Veiller à ce que les protocoles soient affichés dans tous les secteurs de soins.

     

    De plus, pour les décès dans les 4 heures qui suivent l’admission :

    • Au niveau du CTC :
      • Placer au triage le personnel le plus expérimenté en réanimation.
      • Revoir les procédures de transfert des patients et les soins avant et pendant le transfert.
    • En dehors du CTC :
      • Envisager l’installation d’un PRO ou même d’une UTC dans les zones éloignées d’où les nouveaux patients commencent à arriver. Considérer le traitement à domicile lorsque la première option est impossible.
      • Renforcer les activités de promotion de la santé.

    8.4.9 Niveau de déshydratation à l’admission

    CTC

    Dans un CTC « de référence » c.-à-d. un CTC qui reçoit des patients référés par des PRO ou des UTC, les cas de déshydratation sévère peuvent représentés 70 à 80% du nombre total des cas.

     

    Si le CTC n’est pas un CTC de référence mais un CTC local prenant tout type de patients, la distribution des cas, avec la souche la plus courante en circulation, devrait être la suivante : environ 25 à 30% de cas de déshydratation sévère, 30 à 40% de déshydratation modérée et 30 à 40% sans déshydratation.
    Des proportions très différentes de celles-ci doivent inciter à revoir la prise en charge des patients et/ou le dispositif, p.ex. :
    Si la proportion de cas « sans déshydratation » est plus élevée qu’attendu, des PRO sont nécessaires pour décharger le CTC.
    Si plus de 30% des patients sont diagnostiqués avec une « déshydratation sévère » à l’entrée :

    • Vérifier la pertinence du diagnostic au sein du CTC :
      • Le personnel peut être insuffisamment formé et poser un diagnostic par excès.
      • La déshydratation peut être surestimée pour justifier un traitement IV, perçu comme plus efficace. La surutilisation de la voie IV expose à des complications, prolonge la durée d’hospitalisation et augmente les coûts de traitement.

    Dans ces cas, renforcer la formation et les compétences du personnel.

    • Si les patients ont été référés par un PRO : vérifier l’efficacité du triage et la pertinence des prescriptions au niveau du PRO, y compris l’efficacité du système de transfert (retard dû à des dysfonctionnements, p.ex. panne de véhicules, de moyens de communication).
    • Vérifier l’origine géographique des patients et la fréquence de la déshydratation sévère chez ceux qui viennent d’une zone non couverte par le CTC. Les personnes peuvent devoir parcourir de longues distances pour se faire soigner et leur déshydratation peut s’aggraver dans l’intervalle. Dans ce cas, envisager l’installation d’un PRO ou même d’une UTC dans les zones éloignées d’où viennent les patients ; considérer le traitement à domicile lorsque la première option n’est pas envisageable.

    PRO

    Lorsqu’il existe dans la zone touchée un CTC/UTC, le nombre de cas de déshydratation sévère devrait être normalement faible dans un PRO.
    Dans le cas contraire, vérifier la pertinence du diagnostic :

    • Si le diagnostic de déshydratation sévère est porté par excès, renforcer la formation et les compétences du personnel.
    • Si le diagnostic est correctement posé, un grand nombre de cas de déshydratation sévère indique au minimum que le recours aux soins est insuffisant. Analyser les causes (éloignement du CTC, coût du transport, etc.) et essayer d’améliorer l’accès. Renforcer les activités de promotion de la santé.

    8.4.10 Durée de séjour

    La durée moyenne de séjour dans un CTC est de 2 à 3 jours. Alors qu’un patient sans déshydratation reste en observation quelques heures seulement, un patient présentant une déshydratation sévère ou des complications peut rester hospitalisé 4 à 5 jours.
    Lorsque la durée moyenne de séjour est supérieure à 3 jours, revoir la prise en charge. S’assurer que les prescriptions et la surveillance sont adéquates. Si au cours du traitement les pertes en cours (nouveaux épisodes de diarrhée et vomissements) ne sont pas prises en compte et compensées, l’état de déshydratation se prolonge ou bien la déshydratation réapparaît alors que le patient était réhydraté et un le cycle réhydratation/déshydratation se poursuit, expliquant la prolongation du séjour.
    Vérifier également que les patients ne sont pas à tort gardés hospitalisés en attendant la fin de la diarrhée a Citation a. Le but de l’hospitalisation est d’assurer la réhydratation du patient jusqu’à ce que les vomissements cessent, que la diarrhée ait nettement diminué (Section 5.1.10) et que le patient puisse se traiter lui-même à domicile sans danger jusqu’à la disparition de la diarrhée. .
    La durée de séjour peut être plus longue en cas de comorbidité. Lorsque certaines comorbidités sont fréquentes, p.ex., nombreux cas de malnutrition aiguë chez les moins de 5 ans, envisager d’autres interventions, mise en place de centre de traitement de la malnutrition, p.ex.

    8.4.11 Sorties « contre ou sans avis médical »

    Le nombre de patients qui quittent la structure avant la fin du traitement devrait normalement être très faible. La sortie devrait restée motivée par des raisons personnelles (enfants laissés seuls à la maison, crainte de perdre son travail, etc.).
    Si le départ de patients devient plus qu’exceptionnel, évaluer les conditions de prise en charge. Des conditions matérielles difficiles (p.ex. températures extrêmes, infestation du site par des moustiques ou mouches), un personnel désagréable, un manque d’information sur la maladie et la nécessité du traitement ou un dysfonctionnement général de la structure, peuvent expliquer le départ des patients.

    8.4.12 Suivi des consommations de RL et SRO

    En moyenne, un patient a besoin de 8 à 10 sachets de SRO et un patient traité par voie IV a besoin en plus de 8 à 10 litres de RL.
    Le calcul de la consommation moyenne réelle de SRO et RL par patient permet d’estimer le nombre de patients qui pourront être traités avec le stock existant et combien de temps ce stock va durer.
    De plus, l’analyse des consommations permet de mettre en évidence une surconsommation ou au contraire une sous-consommation de SRO et de RL.

     

    En général, la sous-consommation concerne les SRO et la surconsommation le RL. Dans les deux cas, il en faut rechercher les raisons. A titre indicatif :

     

    Le nombre moyen de sachets de SRO par patient est inférieur à 6

    • Rechercher une erreur de prescription (volume de SRO prescrit insuffisant).
    • Vérifier que la voie IV n’est pas utilisée à tort chez des patients qui pourraient être traités par voie orale.
    • Comparer le volume de SRO prescrit et les quantités réellement bues pour déterminer s’il y a un problème de suivi du patient.
    • Vérifier que la solution préparée est bien disponible en permanence dans le service.
    • Vérifier que les patients sous perfusion consomment de la SRO (l’introduction précoce de la SRO chez les patients sous IV est souvent négligée).
    • Vérifier que les patients sortants reçoivent bien 2 à 4 sachets de SRO pour ramener à la maison.
    • Vérifier que les préparateurs utilisent bien un sachet de SRO par litre d’eau, que les sachets ne sont pas sur-dilués.

     

    Le nombre moyen de litres de RL chez les patients sous IV est supérieur à 12
    Vérifier que la voie IV n’est pas conservée trop longtemps chez des patients qui pourraient être déperfusés et traités par voie orale.

     

    Notes
    • (a)Le but de l’hospitalisation est d’assurer la réhydratation du patient jusqu’à ce que les vomissements cessent, que la diarrhée ait nettement diminué (Section 5.1.10) et que le patient puisse se traiter lui-même à domicile sans danger jusqu’à la disparition de la diarrhée.
    Références
    • 1.Luquero FJ, Rondy M, Boncy J, et al. Mortality Rates during Cholera Epidemic, Haiti, 2010-2011. Emerg Infect Dis. 2016 Mar;22(3):410-6.