Dernière mise à jour : Août 2022
Le tétanos est une infection sévère due au bacille Clostridium tetani présent dans le sol et les déjections humaines et animales. L’infection n’est pas contagieuse.
Clostridium tetani est introduit dans l’organisme à partir d’une plaie et produit une toxine dont l’action sur le système nerveux central est responsable des symptômes du tétanos.
Le tétanos est entièrement évitable par la vaccination. Il survient chez les personnes qui n’ont pas été correctement vaccinées avant l’exposition ou n’ont pas bénéficié d’une prophylaxie adéquate immédiatement après l’exposition. Chez ces personnes, la plupart des effractions cutanées ou muqueuses comportent un risque de tétanos, mais les plaies comportant le plus de risque sont : le moignon du cordon ombilical chez le nouveau-né, les plaies punctiformes, les plaies avec perte de substance ou corps étrangers ou souillées de terre, les plaies par arrachement ou écrasement, les sites d’injections non stériles, les plaies chroniques (p. ex. ulcères des membres inférieurs), les brûlures et morsures. Les interventions chirurgicales et obstétricales réalisées dans des conditions d'asepsie insuffisantes présentent aussi un risque de tétanos.
Signes cliniques
Le tétanos généralisé est la forme la plus fréquente et la plus sévère de l’infection. Il se manifeste par une rigidité musculaire qui s’étend rapidement à l’ensemble du corps et par des spasmes musculaires très douloureux. La conscience n’est pas altérée.
Enfant et adulte
- Le délai médian d’apparition des symptômes est de 7 jours (3 à 21 jours).
- La rigidité musculaire débute au niveau des muscles de la mâchoire (difficulté puis impossibilité d’ouvrir la bouche [trismus], empêchant le malade de parler, de s’alimenter), s’étend à la face (sourire figé), au cou (troubles de la déglutition), au tronc (limitation des mouvements respiratoires ; hyperextension du rachis [opisthotonos]), à l’abdomen (défense abdominale) et aux membres (membres sup. en flexion, membres inf. en extension).
- Les spasmes musculaires, très douloureux, apparaissent d’emblée ou lorsque la rigidité musculaire s’est généralisée. Ils sont déclenchés par des stimuli (bruit, lumière, toucher) ou surviennent spontanément. Les spasmes du thorax et du larynx peuvent provoquer une détresse respiratoire ou une fausse route.
Nouveau-né
- Dans 90% des cas, les premiers signes apparaissent dans les 3 à 14 jours suivant la naissance.
- Les premiers signes sont une grande irritabilité et une difficulté à téter (rigidité des lèvres, trismus) puis la rigidité musculaire devient générale, comme chez l’adulte. Un nouveau-né qui tète et pleure normalement au cours des 2 premiers jours de vie puis devient irritable, cesse de téter entre 3 et 28 jours de vie et présente une rigidité et des spasmes musculaires, est atteint du tétanos.
Traitement
L’hospitalisation est indispensable et dure en moyenne 3 à 4 semaines. La mortalité peut être réduite si la prise en charge est correcte, même dans les hôpitaux à ressources limitées.
Soins de base
- Assurer une surveillance infirmière intensive.
- Placer le patient dans une chambre calme et sombre. Pour le nouveau-né, placer un bandeau sur les yeux.
- Manipuler le patient avec précaution, sous sédation et le moins possible ; changer de position toutes les 3 à 4 heures pour éviter les escarres.
- Apprendre à la famille les signes de gravité et leur demander d’appeler l’infirmière au moindre symptôme respiratoire (toux, difficulté à respirer, apnée, sécrétions abondantes, cyanose, etc.).
- Poser une voie veineuse : hydratation, injections dans la tubulure de la perfusion.
- Aspiration douce des sécrétions (nez, oropharynx).
- Poser une sonde gastrique pour hydratation, alimentation et administration des médicaments oraux.
- Hydrater et alimenter en repas fractionnés sur 24 heures. Chez le nouveau-né, donner le lait maternel (tire-lait) toutes les 3 heures (risque d’hypoglycémie).
Neutralisation de la toxine
immunoglobuline humaine antitétanique IM
Nouveau-né, enfant et adulte : 500 UI dose unique, à injecter dans 2 sites séparés
Inhibition de la production de la toxine
métronidazole a Citation a. La clindamycine IV pendant 7 jours est une alternative (pour les doses, voir Cellulite périorbitaire et orbitaire, Chapitre 5). perfusion IV (30 minutes ; 60 minutes chez le nouveau-né) pendant 7 jours
- Nouveau-né :
- 0 à 7 jours : 15 mg/kg en une perfusion à J1 puis après 24 heures, 7,5 mg/kg toutes les 12 heures
- 8 jours à < 1 mois (< 2 kg) : mêmes doses
- 8 jours à < 1 mois (≥ 2 kg) : 15 mg/kg toutes les 12 heures
- Enfant de 1 mois et plus : 10 mg/kg toutes les 8 heures (max. 1500 mg par jour)
- Adulte : 500 mg toutes les 8 heures
Contrôle de la rigidité et les spasmes et sédation du patient
Le diazépam doit diminuer la fréquence et l’intensité des spasmes sans provoquer de dépression respiratoire. La dose et le rythme d’administration dépendent de la réponse clinique et de la tolérance du patient.
- Il existe un risque élevé de dépression respiratoire et d’hypotension lors de l’administration du diazépam, en particulier chez les enfants et personnes âgées. Placer le patient sous surveillance étroite et constante de la fréquence respiratoire (FR) et de la saturation en oxygène (SpO2), avec immédiatement disponible : matériel de ventilation (Ambu et masque) et d’intubation, aspirateur à muqueuses (si possible électrique), Ringer lactate.
- L'administration du diazépam à débit constant demande l’utilisation d'une voie veineuse dédiée (pas d'autres perfusions/injections sur cette voie), en évitant si possible le pli du coude.
- Ne pas interrompre le traitement brutalement, un arrêt brusque peut provoquer un spasme.
Nouveau-né |
diazépam émulsion pour injection (ampoule à 10 mg, 5 mg/ml, 2 ml)
Exemple :
En l'absence de seringue électrique, la dilution de diazépam émulsion dans un soluté de perfusion peut être envisagée. Peser les risques liés à ce mode d'administration (bolus accidentel ou dose insuffisante). La perfusion doit être étroitement surveillée pour éviter une modification, même minime, du débit prescrit. |
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Enfant de |
Mêmes doses et protocole que chez le nouveau-né mais :
Exemples :
|
Tenir compte du volume de cette perfusion dans l’apport hydrique journalier.
Lorsque la fréquence et l’intensité des spasmes diminuent, commencer un sevrage de diazépam (réduction progressive de la dose) :
- Calculer la dose quotidienne totale de diazépam IV et l’administrer en 4 doses à 6 heures d’intervalle par sonde nasogastique (SNG) b Citation b. Administration du diazépam PO chez l'enfant : calculer la dose exacte de diazépam, p. ex., pour d'obtenir 0,5 mg de diazépam, couper un comprimé sécable à 2 mg puis couper le demi-comprimé en 2. Écraser le quart de comprimé et le dissoudre dans du lait maternel ou maternisé. .
- Donner la première dose par SNG et diminuer la perfusion de 50%.
- Donner la deuxième dose par SNG et arrêter la perfusion.
- Si des symptômes de sevrage apparaissent c Citation c. Symptômes de sevrage : irritabilité, tremblements, augmentation du tonus musculaire, bâillements fréquents, refus de s’alimenter/téter, selles liquides et sueurs. , sevrer plus lentement.
- Dès que le patient est passé à la voie orale, diminuer tous les jours le diazépam de 10 à 20% par rapport à la dose initiale, jusqu'à atteindre une dose de 0,05 mg/kg toutes les 6 heures.
- Augmenter ensuite l'intervalle d’administration (toutes les 6 heures puis toutes les 8 heures pendant 24 heures si toléré (sevrer plus lentement si des symptômes de sevrage apparaissent).
- Continuer à augmenter l'intervalle entre les doses (toutes les 12 heures puis toutes les 24 heures jusqu’à l’arrêt du diazépam).
- Chaque étape devrait durer au moins 24 heures ou plus en cas de symptômes de sevrage.
Remarques :
- Il est souvent difficile de sevrer le patient lorsque des petites doses sont atteintes. Si tel est le cas : réduire la vitesse du sevrage (p. ex. sevrer de 5% toutes les 24 heures au lieu de 10%) ou augmenter les intervalles (p. ex. toutes les 48 heures au lieu de toutes les 24 heures).
- Si le patient est également sous morphine, réaliser le sevrage du diazépam puis celui de la morphine.
- Mesures non-pharmacologiques pour réduire les symptômes de sevrage : réduire les stimuli environnementaux ; emmailloter les nourrissons, tétées fréquentes.
- Les nourrissons demeurent hypertoniques, même lorsqu’ils n’ont plus de spasmes.
Contrôle de la douleur
morphine PO (par SNG), si nécessaire (voir Douleur, Chapitre 1).
La surveillance doit être renforcée si la morphine est administrée avec le diazépam (risque de dépression respiratoire majoré). Lorsque la morphine n’est plus nécessaire, réaliser un sevrage comme pour le diazépam.
Traitement de la porte d’entrée et des infections associées
- La plaie doit être recherchée systématiquement et traitée localement sous sédation : nettoyage ; pour les plaies profondes : irrigation, débridement.
- En cas d’infection du cordon : pas d’excision ni de débridement. Traiter une omphalite compliquée de septicémie, rajouter au métronidazole IV : cloxacilline IV + céfotaxime IV ou cloxacilline IV + gentamicine IV (pour les doses, voir Méningite bactérienne).
Vaccination antitétanique
La vaccination antitétanique est administrée une fois le patient guéri étant donné que le tétanos n’est pas une maladie immunisante.
En cas de tétanos néonatal, penser également à entreprendre la vaccination de la mère.
Prévention du tétanos
La prévention est capitale compte tenu de la difficulté à traiter le tétanos déclaré.
1) Prophylaxie post-exposition
- Dans tous les cas :
- Nettoyage et désinfection la plaie ; ablation des corps étrangers.
- Pas d’antibiothérapie systématique à visée préventive. La décision d’instaurer une antibiothérapie (métronidazole ou pénicilline) doit être prise au cas par cas, en fonction de l’état clinique du patient.
- En fonction du statut vaccinal antérieur à l’exposition :
Vaccination antitétanique (VAT) d Citation d. Vaccin contenant la toxine antitétanique, p. ex. Td ou DTC ou DTC + HepB ou DTC + HepB + Hib en fonction du vaccin disponible et de l’âge du patient. et immunoglobuline : voir indications ci-dessous.
Type de plaie |
Vaccination complète (3 doses ou plus) |
Vaccination incomplète |
||
---|---|---|---|---|
< 5 ans | 5-10 ans | > 10 ans | ||
Mineures, propres |
Rien |
Rien |
VAT |
Commencer ou compléter la VAT |
Autres plaies |
Rien |
VAT |
VAT |
Commencer ou compléter la VAT |
vaccin antitétanique IM
Enfant et adulte : 0,5 ml par dose
Si vaccination absente ou statut inconnu : administrer au minimum 2 doses à 4 semaines d’intervalle.
Si vaccination incomplète : administrer une dose.
Ensuite, pour obtenir une protection de longue durée, compléter jusqu’à 5 doses selon le tableau ci-dessous.
immunoglobuline humaine antitétanique IM
Enfant et adulte : 250 UI dose unique ; 500 UI en cas de plaie datant de plus de 24 heures
Injecter le vaccin et l’immunoglobuline en 2 points différents, en utilisant 2 seringues différentes.
2) Vaccination de routine (prophylaxie pré-exposition)
- Enfant : 6 doses au total, une première série de 3 doses de DTC ou DTC + HepB ou DTC + HepB + Hib à un mois d’intervalle, avant l’âge d’un an (p. ex. à l’âge de 6, 10 et 14 semaines), puis une dose d’un vaccin contenant l’anatoxine tétanique entre 12 et 23 mois, une dose entre 4 à 7 ans, puis une dose entre 12 et 15 ans.
- Femmes en âge de procréer : 5 doses au cours de la période de fécondité, une série de 3 doses de Td avec un intervalle d’au moins un mois entre la première et la deuxième dose et un intervalle d’au moins 6 mois entre la deuxième et la troisième dose, puis 2 autres doses, chacune à au moins un an d’intervalle, p. ex. à l’occasion de grossesses (voir tableau ci-dessous).
- Femmes enceintes : si la femme n’a jamais été vaccinée ou que son statut vaccinal est inconnu, 2 doses de Td durant la grossesse en cours pour prévenir le risque de tétanos chez la mère et le nouveau-né : la première dès que possible au cours de la grossesse et la deuxième au moins 4 semaines après la première et au moins 2 semaines avant l’accouchement. Cette vaccination permet de protéger plus de 80% des nouveau-nés du tétanos néonatal. Une dose unique n’offre aucune protection. Après l’accouchement, poursuivre pour compléter 5 doses, comme pour une femme en âge de procréer.
Dose |
Calendrier vaccinal chez l’adulte |
Niveau et durée de la protection |
---|---|---|
VAT1 |
Au premier contact avec le service de santé |
Aucune protection |
VAT2 |
Au moins 4 semaines après VAT1 |
80% |
VAT3 |
6 mois à 1 an après VAT2 |
95% |
VAT4 |
1 à 5 ans après VAT3 |
99% |
VAT5 |
1 à 10 ans après VAT4 |
99% |
- (a)La clindamycine IV pendant 7 jours est une alternative (pour les doses, voir Cellulite périorbitaire et orbitaire, Chapitre 5).
- (b)Administration du diazépam PO chez l'enfant : calculer la dose exacte de diazépam, p. ex., pour d'obtenir 0,5 mg de diazépam, couper un comprimé sécable à 2 mg puis couper le demi-comprimé en 2. Écraser le quart de comprimé et le dissoudre dans du lait maternel ou maternisé.
- (c)Symptômes de sevrage : irritabilité, tremblements, augmentation du tonus musculaire, bâillements fréquents, refus de s’alimenter/téter, selles liquides et sueurs.
- (d)Vaccin contenant la toxine antitétanique, p. ex. Td ou DTC ou DTC + HepB ou DTC + HepB + Hib en fonction du vaccin disponible et de l’âge du patient.
- (a)Utiliser la voie rectale pour la première dose si une voie IV ne peut pas être placée immédiatement.