En pratique, 2 situations peuvent se présenter à l’admission dans une structure de traitement du choléra :
1 - La malnutrition est avérée ou évidente
- Le diagnostic de malnutrition aiguë sévère a déjà été établi et l’enfant est adressé par un centre nutritionnel ;
ou
- L’enfant se présente spontanément avec des œdèmes bilatéraux des membres inférieurs typiques de la malnutrition sévère a Citation a. Le diagnostic est à confirmer par un médecin, qui exclura d’autres causes d’œdèmes. .
Les enfants adressés par un centre nutritionnel avec une malnutrition modérée suivent les protocoles de réhydratation standard, selon la sévérité de la déshydratation, comme les enfants qui ne présentent pas de malnutrition (Section 5.4).
Les enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, établie par un centre nutritionnel ou détectée à l’admission, suivent le protocole ci-dessous.
2 - Une malnutrition est suspectée
Les manifestations cliniques d’un choléra accompagné de déshydratation et de la malnutrition sévère peuvent être similaires (diarrhée aqueuse, pli cutané persistant, yeux enfoncés, léthargie, choc). Il peut être difficile de distinguer les deux, d’autant que le patient peut souffrir à la fois de choléra et de malnutrition.
Le poids varie significativement selon l’état d’hydratation. Le rapport poids/taille ne doit donc pas être établi à l’admission mais uniquement lorsque la déshydratation a été corrigée.
Le MUAC est peu influencé par la déshydratation et peut être utilisé pour identifier les enfants pouvant être malnutris. Les enfants dont le MUAC est < 115 mm à l’admission doivent être traités selon le protocole ci-dessous. Une fois la réhydratation terminée, le MUAC doit être remesuré pour confirmer la malnutrition.
5.8.1 Conduite à tenir en cas de malnutrition aiguë sévère avérée
Evaluation clinique initiale
Troubles de la conscience (léthargie, coma) OU Pouls très lent ou très rapide OU Extrémités froides (mains/pieds) OU Respiration très rapide ↓ DÉSHYDRATATION SÉVÈRE OU CHOC |
Agité, irritable
Yeux creux
↓ DÉSHYDRATATION MODÉRÉE |
Normal éveillé Pouls facilement palpable Yeux normaux
PAS DE DÉSHYDRATATION |
Remarques :
- L’évaluation clinique de la déshydratation chez les enfants sévèrement malnutris peut être difficile. En particulier, les signes « pli cutané » et « enfoncement récent des yeux » (yeux creux) doivent être interprétés avec précaution car ils peuvent être dus à la malnutrition, en l’absence de déshydratation.
- Chez les enfants adressés par un centre nutritionnel, le poids de référence (poids de l’enfant juste avant l’apparition de la diarrhée) peut être connu. L’importance de la déshydratation peut être estimée en comparant ce poids au poids à l’entrée dans le CTC (ceci ne s'applique pas aux enfants ayant des œdèmes nutritionnels).
Une perte de poids ≥ 10% par rapport au poids « pré-choléra » indique une déshydratation sévère ; une perte de poids de 5 à 9%, une déshydratation modérée ; une perte de poids < 5%, une déshydratation légère voire pas de déshydratation.
Cette estimation n’est possible que si l’enfant était pesé chaque jour avant son transfert. Elle peut venir en complément de l’évaluation clinique, en particulier si le tableau est douteux, mais ne la remplace pas.
Déshydratation sévère ou choc
A degré de déshydratation équivalent, les enfants sévèrement malnutris reçoivent le même volume de RL que les enfants non malnutris mais la durée d’administration est doublée. L’enfant doit être étroitement surveillé pendant la réhydratation.
Compte tenu du peu de données existantes sur le traitement optimal de la déshydratation sévère chez les enfants sévèrement malnutris et jusqu’à ce que des données fiables soient disponibles, le protocole suivant vise à éviter les complications liées à une réhydratation excessive ou insuffisante.
20 ml/kg de RL en 30 minutes |
Traitement immédiat :
- La réhydratation commence par une perfusion rapide (bolus) de RL en 30 minutes.
Pour les volumes à administrer chez les enfants sévèrement malnutris, se référer à l'Annexe 5.
- Dès que la perfusion est en place, mesurer la glycémie et administrer du glucose si la glycémie est < 60 mg/dl (< 3,3 mmol/litre) ou administrer d’emblée du glucose (Section 5.10.1).
- Pendant les 30 premières minutes :
- Surveiller étroitement l’enfant jusqu’à ce que les signes de danger disparaissent, refaire un bilan clinique toutes les 10 à 15 minutes.
- Surveiller le volume perfusé ; s’assurer que le débit permet d’administrer le volume prescrit dans les délais prévus.
- En l’absence d’amélioration, renouveler le bolus de RL, jusqu’à 2 fois.
Si l’état clinique s’améliore (disparition des signes de danger) après 1 à 3 bolus de RL :
- Poursuivre avec une perfusion continue (70 ml/kg de RL) en 6 heures.
- Maintenir un apport constant en glucose en ajoutant 100 ml de glucose à 50% par litre de RL.
- Refaire un bilan toutes les 30 minutes : vérifier que les signes de déshydratation régressent ; noter les sorties (selles et vomissements) ; noter les entrées (RL et SRO) ; vérifier que le volume prescrit passe dans les délais prévus.
- Si des signes de danger réapparaissent, re-administrer un bolus RL, à renouveler jusqu’à 2 fois si les signes persistent.
- Si au cours de la réhydratation, si la fréquence respiratoire augmente ou si des crépitants sont perçus à l’auscultation ou si un œdème des membres inférieurs ou péri-orbital apparaît ou s’aggrave, suspecter une surcharge hydrique.
- Dès que l’enfant est stable au plan hémodynamique et en l’absence de vomissements incoercibles :
- Utiliser la solution de réhydratation hypo-osmolaire standard pour compenser les pertes en cours. Ne pas utiliser le ReSoMal (teneur en sodium trop faible pour compenser les pertes dues au choléra).
- Antibiothérapie dose unique (Annexe 7).
- Commencer ou reprendre l’alimentation thérapeutique.
- Administrer du sulfate de zinc aux enfants de moins de 5 ans.
- A la fin de la phase de réhydratation, réévaluer l’état d’hydratation de l’enfant :
- S’il ne présente plus de signes de déshydratation, passer à la phase d’entretien (Section 5.5.1). Arrêter la perfusion mais laisser le cathéter en place.
- S’il présente des signes de déshydratation modérée, passer au traitement d’une déshydratation modérée (comme ci-dessous). Arrêter la perfusion mais laisser le cathéter en place.
Si l’état clinique ne s’améliore pas après un 3e bolus, penser à un sepsis :
- Administrer une antibiothérapie à large spectre (ceftriaxone IV 50 à 80 mg/kg une fois par jour + cloxacilline IV 25 à 50 mg/kg toutes les 6 heures).
- Administrer du RL en continu selon la formule de Holliday-Segar :
Pour les premiers 10 kg 4 ml/kg/heure Pour chaque kg de 11 à 20 kg 2 ml/kg/heure Pour chaque kg au-dessus de 20 kg 1 ml/kg/heure
Par exemple, pour un enfant de 14 kg : (4 ml x 10 kg) + (2 ml x 4 kg) = débit horaire : 40 ml + 8 ml = 48 ml par heure.
- Administrer du lait thérapeutique par sonde gastrique.
Remarque : pendant toute la durée du séjour, surveiller la température. Les co-infections sont fréquentes et peuvent entraîner une hypothermie plutôt qu’une fièvre.
Déshydratation modérée
Le volume total de SRO à administrer est de 75 ml/kg en 4 heures. Utiliser la solution de réhydratation hypo-osmolaire standard. Ne pas utiliser le ReSoMal (teneur en sodium trop faible pour compenser les pertes en cas de choléra).
Si l’enfant ne boit pas, utiliser une sonde gastrique (sous surveillance étroite, risque de fausse route),
+ Surveillance et compensation des pertes en cours,
+ Antibiothérapie dose unique (Annexe 7),
+ Début ou reprise de l’alimentation thérapeutique dans les 4 heures,
+ Sulfate de zinc aux enfants de moins de 5 ans.
Une fois la déshydratation corrigée, administrer de la SRO après chaque selle liquide, jusqu’à ce la diarrhée cesse, comme pour les autres enfants.
Pas de déshydratation
Suivre le protocole standard (Section 5.5.1). Utiliser les sels de réhydratation standard hypo-osmolaires, pas de ReSoMal. Administrer du sulfate de zinc aux enfants de moins de 5 ans.
5.8.2 Conduite à tenir en cas de suspicion de malnutrition
Si une fois la déshydratation corrigée, l’enfant remplit les critères anthropométriques définissant la malnutrition, débuter une alimentation thérapeutique et référer l’enfant dans un centre de traitement de la malnutrition à la sortie du CTC.
- (a)Le diagnostic est à confirmer par un médecin, qui exclura d’autres causes d’œdèmes.