4.5 Pathologies hypertensives de la grossesse

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Sommaire

    Une hypertension gravidique et une hypertension chronique peuvent se compliquer d'une pré-éclampsie. La pré-éclampsie comporte un risque important de complications maternelles et fœtales :

    • Hématome rétro-placentaire, HELLP syndrome a Citation a. HELLP syndrome (haemolysis, elevated liver enzymes, low platelets) : association d’une hémolyse, d’une élévation des transaminases et d’une thrombopénie. , éclampsie, accident vasculaire cérébral, décès maternel ;
    • Hypotrophie fœtale, souffrance fœtale, mort fœtale in utero. 

     

    Le traitement antihypertenseur a pour objectif de prévenir les complications maternelles d’une hypertension sévère. Il est institué si la pression artérielle systolique est ≥ 160 mmHg ou si la pression artérielle diastolique est ≥ 110 mmHg. L’objectif est d’approcher 140/90 mmHg. Le pronostic fœtal n’est pas amélioré par le traitement antihypertenseur. Le traitement de l’hypertension doit être prudent car il est indispensable de préserver la perfusion placentaire. Eviter à tout prix une chute brutale de la pression artérielle.

    4.5.1 Diagnostic 

     

    Pathologies Définitions [1] Citation 1. Society for the Study of Hypertension in Pregnancy. The classification, diagnosis and management of the hypertensive disorders of pregnancy: A revised statement from the ISSHP. Pregnancy Hypertens. 2014 Apr;4(2):97-104.

    Hypertension artérielle (HTA) 

    Chez une femme enceinte, en position assise et au repos, à 2 reprises :
    Pression artérielle systolique (PAS) ≥ 140 mmHg
    et/ou
    Pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 90 mmHg

    HTA sévère PAS ≥ 160 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg

    HTA gravidique

    HTA isolée, sans protéinurie ni autres signes de pré-éclampsie, apparaissant à partir de 20 SA.

    Pré-éclampsie sans signes de sévérité

    HTA à partir de 20 SA
    et
    Protéinurie à la bandelette urinaire sans signes de dysfonction d'organes ni HTA sévère.

    Pré-éclampsie sévère

    HTA à partir de 20 SA avec ou sans protéinurie à la bandelette urinaire
    et
    Un ou plusieurs signes de dysfonction d'organes :

    • céphalées intenses, bourdonnements d’oreille
    • troubles visuels
    • douleurs épigastriques en barre, nausées, vomissements.
    • hyperréflexie ostéotendineuse (réflexes rotuliens vifs, polycinétiques)
    • oligurie (diurèse < 400 ml/jour ou 30 ml/heure)
    • œdème pulmonaire
    • thrombopénie (plaquettes < 100 000/mm³)
    • insuffisance rénale (créatininémie > 1,1 mg/dl)
    • altération de la fonction hépatique (élévation des transaminases à plus de 2 fois la normale)

     

    OU

     

    HTA à partir de 20 SA
    et
    Protéinurie à la bandelette urinaire
    et
    HTA sévère, persistante malgré traitement

    HTA chronique

    HTA antérieure à la grossesse ou apparaissant avant 20 SA.

     

    Remarques :

    • Dans la pré-éclampsie, certains autres symptômes peuvent être observés : urines sombres et peu abondantes, œdèmes des jambes et des mains d’apparition brutale ou rapidement aggravés. Ces symptômes ne permettent pas de poser le diagnostic de pré-éclampsie mais doivent conduire à contrôler la pression artérielle et la protéinurie.
    • Une quantité anormalement élevée de protéines dans les urines n'est plus considérée comme un critère de sévérité de la pré-éclampsie. Cependant, en l'absence de possibilité d'évaluation fiable et régulière de la créatininémie, une protéinurie élevée (3+ ou plus à la bandelette urinaire) doit être considérée comme un critère de référence en structure SONUC.
    • En cas de protéinurie sans HTA, penser à une infection urinaire, une contamination des urines par du sang ou des sécrétions vaginales, une néphropathie. Dans ces cas, surveiller afin de détecter rapidement un début de pré-éclampsie.

    4.5.2 Conduite à tenir en cas d'HTA gravidique ou chronique

    • Repos ; surveillance une fois par semaine : pression artérielle, recherche de protéinurie.
    • Évaluer le risque d’hypotrophie fœtale (hauteur utérine).
    • Alimentation normosodée et normocalorique.
    • Informer la patiente des signes d'alerte devant amener à reconsulter en urgence (céphalées intenses, bourdonnements d’oreille, troubles visuels, douleurs épigastriques en barre, nausées, vomissements, dyspnée). Dès l’apparition d’une protéinurie ou de signes d'alerte : prendre en charge une pré-éclampsie.
    • Si PAS ≥ 160 mmHg ou PAD ≥ 110 mmHg, administrer un traitement antihypertenseur :

    labétalol PO : 100 mg 2 fois par jour puis augmenter si nécessaire par paliers de 100 à 200 mg jusqu’à atteindre la dose efficace, habituellement 200 à 400 mg 2 fois par jour. Si des doses journalières supérieures sont nécessaires, diviser en 3 prises (max. 2,4 g par jour).
    ou
    méthyldopa PO : 250 mg 2 ou 3 fois par jour pendant 2 jours puis augmenter si nécessaire, par paliers de 250 mg tous les 2 à 3 jours, jusqu'à atteindre la dose efficace, habituellement autour de 1,5 g par jour (max. 3 g par jour).

     

    Remarques :

    • En cas d’échec, ces médicaments peuvent être associés.
    • Ne pas interrompre brutalement un traitement antihypertenseur.
    • Les diurétiques et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (énalapril, etc.) sont contre-indiqués.
    • Si la mère reçoit du labétalol, garder le nouveau-né en observation 72 heures au moins après l’accouchement (risque d’hypoglycémie, bradycardie, détresse respiratoire).

    4.5.3 Conduite à tenir en cas de pré-éclampsie sans signes de sévérité

    Avant 37 semaines d'aménorrhée

    • Hospitaliser ; repos ; surveillance : PA, protéinurie, signes de sévérité.
    • Évaluer le risque d’hypotrophie fœtale (hauteur utérine).
    • Alimentation normosodée et normocalorique.
    • Ne pas arrêter les contractions utérines si elles surviennent, laisser l'accouchement se dérouler.
    • Si PAS ≥ 160 mmHg ou PAD ≥ 110 mmHg : labétalol ou méthyldopa (Section 4.5.2).

     

    La pré-éclampsie est une maladie évolutive, l’évolution se fait toujours vers l’aggravation. Dès l’apparition d’un seul signe de pré-éclampsie sévère ou d'une protéinurie élevée (3+ ou plus à la bandelette urinaire), transférer dans une structure SONUC.

    Après 37 semaines d'aménorrhée

    • Hospitaliser ; repos ; même surveillance et traitement antihypertenseur.
    • Déclencher l’accouchement dès que le col est favorable (ou avant si la situation maternelle s’aggrave ou s’il existe un retard de croissance intra-utérin avéré).

    4.5.4 Conduite à tenir en cas de pré-éclampsie sévère

    Une approche multidisciplinaire (obstétricien, anesthésiste, sage-femme) est recommandée pour la prise en charge.

    Accouchement

    L’accouchement doit avoir lieu dans les 24 heures, par voie vaginale ou césarienne selon l’état du col, l’âge gestationnel et l’état du fœtus.

    Traitement par sulfate de magnésium

    Administrer du sulfate de magnésium pour réduire le risque d’éclampsie. L’un de ces deux protocoles peut être suivi :

     

    sulfate de magnésium
    Ampoule de 5 g
    (500 mg/ml, 10 ml)
    Protocole IV/IM

    Dose de charge : 4 g en perfusion IV dans 100 ml de chlorure de sodium 0,9%, à administrer en 15 à 20 minutes
    puis
    Dose d’entretien : 10 g par voie IM (5 g dans chaque fesse), puis 5 g IM toutes les 4 heures (changer de côté à chaque injection)
    Poursuivre ce traitement pendant les 24 heures qui suivent l’accouchement.

    ou

    sulfate de magnésium
    Ampoule de 5 g
    (500 mg/ml, 10 ml)
    Protocole IV

    Dose de charge : 4 g en perfusion IV dans 100 ml de chlorure de sodium 0,9%, à administrer en 15 à 20 minutes
    puis
    Dose d’entretien : 1 g par heure en perfusion continue
    Poursuivre ce traitement pendant les 24 heures qui suivent l’accouchement.

     

     
    • Il existe des ampoules de différents dosages. Vérifier le dosage inscrit sur les ampoules.
    • Un surdosage en sulfate de magnésium est potentiellement mortel. Avoir du gluconate de calcium (ampoule de 1 g), l'antidote du sulfate de magnésium, à portée de main.

     

    Pendant l’administration, surveiller :

    • Le réflexe rotulien, la PA, le pouls et la FR toutes les 15 minutes pendant la première heure. En l’absence de signes de surdosage, poursuivre la surveillance toutes les heures.
    • La diurèse horaire (poser une sonde de Foley).

     

    Les manifestations de surdosage en sulfate de magnésium sont : d’abord disparition du réflexe rotulien puis hypotension, arythmie, dépression respiratoire (FR < 12/minute). Si l’examen montre une disparition du réflexe rotulien, arrêter le sulfate de magnésium immédiatement et administrer du gluconate de calcium (1 g en IV).

     

    En cas de diminution de la diurèse (< 30 ml/heure ou 100 ml/4 heures) : interrompre le traitement et réaliser l’accouchement le plus rapidement possible.

    Traitement antihypertenseur

    • Si PAS ≥ 160 mmHg ou PAD ≥ 110 mmHg : labétalol ou méthyldopa (Section 4.5.2).
    • Si la voie orale est impossible, administrer labétalol ou hydralazine injectable. Surveiller la PA et le pouls maternel ainsi que le rythme cardiaque fœtal pendant l’administration.

     

    La posologie est adaptée en fonction des chiffres tensionnels. L’HTA est contrôlée lorsque la PAD est comprise entre 90 et 100 mmHg et la PAS entre 130 et 150 mmHg.

     

     
    Respecter la posologie et le rythme d’administration. Un surdosage ou une administration trop rapide peuvent provoquer une chute excessive et brutale de la PA maternelle, une hypoperfusion placentaire et la mort du fœtus. La PAD ne doit pas descendre en dessous de 90 mmHg. En cas d’hypotension, utiliser du Ringer lactate pour rétablir une PAD à 90-100 mmHg. Etre prudent pendant le remplissage et bien surveiller la patiente car il existe un risque de surcharge liquidienne et d’œdème pulmonaire maternel.

     

    Un des trois protocoles suivants peut être suivi :

     

    labétalol
    IV lente
    (ampoule de 100 mg dans 20 ml, 5 mg/ml)

    Administrer une dose de 20 mg (4 ml) en au moins une minute. Surveiller la PA 5 et 10 minutes après l’injection. Si la PA n’est pas contrôlée, administrer une dose additionnelle de 20 mg et surveiller. Des doses additionnelles de 40 mg puis 80 mg sont administrées toutes les 10 minutes tant que la PA n’est pas contrôlée. Ne pas dépasser une dose totale de 300 mg.

    ou

    hydralazine
    IV lente diluée
    (flacon de 20 mg/1 ml)

    Diluer 20 mg (1 flacon de solution d’hydralazine reconstituée avec un 1 ml d’eau pour préparation injectable) dans 9 ml de chlorure de sodium 0,9% pour obtenir 10 ml de solution contenant 2 mg d’hydralazine/ml. Administrer 5 mg (2,5 ml de la solution diluée) en 2 à 4 minutes. Surveiller la PA pendant 20 minutes. Si la PA n’est pas contrôlée, répéter l'injection. Renouveler si nécessaire, en respectant un intervalle de 20 minutes entre les injections. Ne pas dépasser une dose totale de 20 mg.

    ou

    hydralazine
    perfusion IV
    (flacon de 20 mg/1 ml)

    Diluer 100 mg (5 flacons de solution d’hydralazine reconstituée) dans 500 ml de chlorure de sodium 0,9% ou de Ringer lactate pour obtenir une solution à 200 microgrammes/ml.
    La dose de charge est de 200 à 300 microgrammes/minute ; la dose d’entretien de 50 à 150 microgrammes/minute.
    Administrer progressivement 20 gouttes/minute (max. 30 gouttes/minute) en surveillant la PA toutes les 5 minutes.
    Dès que l'hypertension est contrôlée, réduire progressivement le débit (15 gouttes/minute puis 10 puis 5) jusqu'à l’arrêt de la perfusion. Un arrêt brusque peut provoquer une crise hypertensive.

     

    Remarques :

    • Si la mère reçoit du labétalol, garder le nouveau-né en observation 72 heures au moins après l’accouchement (risque d’hypoglycémie, bradycardie, détresse respiratoire).
    • Si une anesthésie est nécessaire, éviter la kétamine. Chaque fois que possible, préférer la rachianesthésie.
    • L’utilisation d’oxytocine est possible dans la pré-éclampsie mais une chute ou élévation de la PA ont été exceptionnellement décrites.
    • La méthylergométrine est contre-indiquée.
    • Une pré-éclampsie peut survenir jusqu’à 7 jours après l’accouchement (et plus rarement jusqu'à 6 semaines).

    4.5.5 Prévention secondaire de la pré-éclampsie sévère

    L’acide acétylsalicylique PO : 75 à 150 mg une fois par jour à débuter dès 12 SA, et à poursuivre jusqu’à 36 SA, permet de diminuer le risque de récidive lors de la grossesse suivante. Si ce traitement prophylactique peut être mis en œuvre, informer la femme qu’elle doit consulter dès le début de la grossesse suivante. Il est inutile de débuter ce traitement si la patiente consulte après 20 SA [2] Citation 2. Organisation mondiale de la Santé. Prévention et traitement de la pré-éclampsie et de l’éclampsie. Résumé des recommandations. Genève, 2011. 
    http://www.who.int/reproductivehealth/publications/maternal_perinatal_health/rhr_11_30/en/
    .

     

    Lors de la grossesse suivante, une supplémentation en calcium est recommandée [3] Citation 3. World Health Organization. Calcium supplementation in pregnant women. 2013.
    http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/85120/1/9789241505376_eng.pdf
    chez les femmes dont l’alimentation est pauvre en calcium (Chapitre 1, Section 1.2.5).

    Notes
    • (a)HELLP syndrome (haemolysis, elevated liver enzymes, low platelets) : association d’une hémolyse, d’une élévation des transaminases et d’une thrombopénie.
    Références