Épilepsie

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Sommaire

    Dernière mise à jour : Octobre 2024

     

    L'épilepsie est un trouble neurologique chronique caractérisé par des crises épileptiques récurrentes.

     

    Les personnes atteintes d'épilepsie sont souvent confrontées à une discrimination et à une stigmatisation ainsi qu’à des difficultés sociales et économiques. Elles sont également susceptibles de développer des troubles psychiques, comportementaux ou cognitifs et de se blesser lors des crises. La prise en charge des comorbidités ainsi que l’éducation et le soutien du patient et de sa famille sont essentiels.

     

    Les crises sont en général des épisodes brefs. Une crise d'une durée supérieure à 5 minutes ou la survenue de 2 crises ou plus en 5 minutes, sans retour complet à l'état de conscience basal entre les crise) est une urgence médicale (voir Crises généralisées tonico-cloniques et état de mal convulsif, Chapitre 1).

    Signes cliniques

    Les manifestations de l'épilepsie (c.-à-d. les crises) sont variées. Il est essentiel de reconnaître le type de crises pour déterminer le traitement du patient.

    Les crises sont classées comme suit [1] Citation 1. Fisher RS, Cross JH, French JA, et al. Operational classification of seizure types by the International League Against Epilepsy: Position Paper of the ILAE Commission for Classification and Terminology. Epilepsia. 2017;58(4):522-530. 
    https://doi.org/10.1111/epi.13670
    :

     

    Crises généralisées

    • Crises tonico-cloniques : contraction des muscles, notamment respiratoires (phase tonique), suivie de secousses rythmiques des bras et des jambes (phase clonique) et perte de conscience ;
    • Crises myocloniques : contractions soudaines et brèves d'un muscle ou d'un groupe de muscles ;
    • Crises atoniques : perte brutale du tonus musculaire, entraînant fréquemment des chutes ;
    • Crises d'absence : altération brève de la conscience (quelques secondes) avec cessation de l'activité, plus fréquentes chez les enfants à partir de 4 ans.

     

    Crises focales (ou partielles)

    • Commencent par des symptômes localisés (p. ex. mouvements saccadés d'une partie du corps ou claquements répétés des lèvres) et se propagent parfois au reste du corps, devenant généralisées.

     

    L'épilepsie est diagnostiquée cliniquement lorsque deux crises ou plus "non provoquées" (c.-à-d. qui ne sont pas dues à une affection temporairement réversible), de tout type, surviennent à plus de 24 heures d'intervalle [2] Citation 2. World Health Organization. Pocket book of primary health care for children and adolescents: guidelines for health promotion, disease prevention and management from the newborn period to adolescence. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe; 2022.
    https://www.who.int/europe/publications/i/item/9789289057622
    [3] Citation 3. Fisher RS, Acevedo C, Arzimanoglou A, et al. ILAE Official Report: A practical clinical definition of epilepsy. Epilepsia. 2014;55(4):475-482.
    https://doi.org/10.1111/epi.12550
    .

    Principes du traitement

    • Une fois le diagnostic d'épilepsie (ou de crises nécessitant un traitement à long terme) posé, un antiépileptique est prescrit pour prévenir l'apparition de nouvelles crises.
    • Le traitement prescrit doit être une monothérapie (c.-à-d. un seul antiépileptique).
    • Pour choisir un antiépileptique, voir Choix d'un antiépileptique. La probabilité de disponibilité continue de l'antiépileptique doit aussi être prise en compte lors du choix.
    • Le traitement doit être pris chaque jour sans interruption sur le long terme. L'arrêt ou la réduction brutale de la dose d'antiépileptique peut provoquer des crises.
    • Un suivi des patients sur le long terme est nécessaire, voir Suivi des patients. Tout changement de traitement (augmentation de dose, substitution ou arrêt de l'antiépileptique) nécessite une surveillance clinique étroite.

    Rarement, les antiépileptiques peuvent provoquer une augmentation paradoxale de la fréquence des crises, principalement en début de traitement ou après une augmentation de dose.

    • Si les crises ne sont pas contrôlées, vérifier l'adhérence au traitement, envisager une augmentation de la dose si tolérée, jusqu'à la dose maximale si nécessaire.
    • Si les crises ne sont toujours pas contrôlées ou si le traitement n'est pas toléré, changer progressivement pour un autre antiépileptique (augmenter lentement la dose du nouvel antiépileptique puis diminuer lentement celle du premier antiépileptique jusqu'à substitution complète).
    • Un traitement associant deux antiépileptiques (polythérapie) ne doit être envisagé qu’après échec de deux antiépileptiques différents utilisés en monothérapie.
    • L'arrêt d'un traitement antiépileptique peut être envisagé lorsque le patient n'a plus de crises depuis au moins 2 ans [4] Citation 4. World Health Organization. mhGAP Intervention Guide for Mental, Neurological and Substance Use Disorders in Non-Specialized Health Settings: Mental Health Gap Action Programme (mhGAP). version 2.0. World Health Organization; 2016. 
      https://www.who.int/publications/i/item/9789241549790
      . Les bénéfices/risques de l’arrêt de l'antiépileptique doivent être discutés avec le patient (les crises peuvent réapparaître après l’arrêt du traitement). La dose doit être réduite progressivement (p. ex. de 10% toutes les 2 semaines) sur une période d'au moins 3 mois. Les patients doivent consulter un médecin si les crises réapparaissent pendant ou après l'arrêt du traitement.
    • L’éducation du patient et de sa famille est essentielle. Fournir des informations sur l'épilepsie en tant que maladie, les avantages du traitement, les moyens de maximiser le contrôle des crises (y compris l'adhérence au traitement) et les gestes de premiers secours en cas de crises. Expliquer que les personnes atteintes d'épilepsie peuvent mener une vie normale lorsque certaines mesures de sécurité sont prises (p. ex. ne pas aller nager seul, ne pas cuisiner sur un feu ouvert) [4] Citation 4. World Health Organization. mhGAP Intervention Guide for Mental, Neurological and Substance Use Disorders in Non-Specialized Health Settings: Mental Health Gap Action Programme (mhGAP). version 2.0. World Health Organization; 2016. 
      https://www.who.int/publications/i/item/9789241549790
      [5] Citation 5. NICE. Epilepsies in children, young people and adults. Published online April 27, 2022.
      https://www.nice.org.uk/guidance/ng217
      .

    Choix d'un antiépileptique

    Un antiépileptique est sélectionné en fonction :

    • du type de crises : certains antiépileptiques peuvent aggraver certains symptômes, 
    • des caractéristiques du patient : âge, sexe, statut pour la grossesse ou l'allaitement, comorbidités et traitements associés,
    • du profil d'effets indésirables de l'antiépileptique : en général, les antiépileptiques les plus récents (p. ex. lévétiracétam) sont plus sûrs, mieux tolérés et ont moins d'interactions médicamenteuses avec les autres médicaments que les antiépileptiques plus anciens (p. ex. carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne, acide valproïque).

     

    Âge/type de crises 1er choix 2e choix 3e choix
    Enfants 1 mois à < 2 ans

    Motrices, généralisées

    (tonico-cloniques, myocloniques (a) Citation a. Pour les crises myocloniques : CBZ et PHT ne sont pas recommandées (risque d'aggravation des symptômes). , atoniques (b) Citation b. Pour les crises atoniques : CBZ n'est pas recommandée (risque d'aggravation des symptômes). )

    lévétiracétam (LEV)

    phénobarbital (PB)

    carbamazépine (CBZ)   

    ou phénytoïne (PHT)

    Non-motrices, généralisées (absence)
    Focales (partielles) LEV ou CBZ

    PB ou PHT

    Filles 2 à < 10 ans, garçons ≥ 2 ans et hommes

    Motrices, généralisées

    (tonico-cloniques, myocloniques (a) Citation a. Pour les crises myocloniques : CBZ et PHT ne sont pas recommandées (risque d'aggravation des symptômes). , atoniques (b) Citation b. Pour les crises atoniques : CBZ n'est pas recommandée (risque d'aggravation des symptômes). )

    LEV ou

    acide valproïque (VPA) 

    CBZ ou PB ou PHT
    Non-motrices, généralisées (absence (c) Citation c. Pour les crises d'absence : CBZ, PB et PHT ne sont pas recommandés (risque d'aggravation des symptômes). ) LEV ou VPA
    Focales (partielles) LEV ou CBZ VPA PB ou PHT
    Filles ≥ 10 ans et femmes

    Motrices, généralisées

    (tonico-cloniques, myocloniques (a) Citation a. Pour les crises myocloniques : CBZ et PHT ne sont pas recommandées (risque d'aggravation des symptômes). , atoniques (b) Citation b. Pour les crises atoniques : CBZ n'est pas recommandée (risque d'aggravation des symptômes). )

    LEV CBZ ou PHT PB
    Non-motrices, généralisées (absence (c) Citation c. Pour les crises d'absence : CBZ, PB et PHT ne sont pas recommandés (risque d'aggravation des symptômes). ) LEV
    Focales (partielles) LEV CBZ ou PHT PB

    Enfants

    • Le VPA est contre-indiqué chez l'enfant de moins de 2 ans (risque accru d'hépatotoxicité).

    Patients de plus de 65 ans

    • Privilégier le LEV chez les patients âgés [6] Citation 6. Piccenna L, O’Dwyer R, Leppik I, et al. Management of epilepsy in older adults: A critical review by the ILAE Task Force on Epilepsy in the elderly. Epilepsia. 2023;64(3):567-585. 
      https://doi.org/10.1111/epi.17426
      .

    Filles et femmes enceintes

     

    Dans tous les cas :

    • Les parents doivent être informés des connaissances actuelles sur les risques pour l'enfant à naître, notamment lorsque le risque de fœtotoxicité est élevé.
    • Administrer la dose minimale efficace (les effets nocifs sur le fœtus sont principalement dose-dépendants).
    • Les concentrations plasmatiques des antiépileptiques peuvent diminuer au cours de la grossesse. Si la dose doit être augmentée pendant la grossesse, commencer à la réduire à partir de J3-J4 post-partum pour revenir progressivement à la dose efficace avant la grossesse.
    • Commencer l'acide folique à haute dose pour réduire le risque de MCM (5 mg par jour pendant le premier trimestre [9] Citation 9. Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (UK). Epilepsy in Pregnancy. Published online June 2016. https://www.rcog.org.uk/media/rzldnacf/gtg68_epilepsy.pdf a Citation a. La dose optimale d’acide folique pour prévenir les MCM n’est pas établie. Après le premier trimestre, la dose doit être réduite (utiliser l'association à doses fixes 60 mg de fer élément/400 microgrammes d'acide folique). ).
    • Après la grossesse, on considère que les bénéfices de l'allaitement maternel l'emportent sur les risques d'effets indésirables des antiépileptiques [10] Citation 10. Pennell PB. Use of Antiepileptic Drugs During Pregnancy: Evolving Concepts. Neurotherapeutics. 2016 Oct;13(4):811-820.
      http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5081129/
      .

    Filles et femmes en âge de procréer

    • Le choix d'un antiépileptique est basé sur les mêmes critères que pour les filles et femmes enceintes en raison de la possibilité de grossesses non diagnostiquées ou futures.
    • Des conseils pré-conceptionnels et/ou en matière de contraception doivent être fournis.
    • Si une grossesse est envisagée, selon l'antiépileptique utilisé, envisager un autre antiépileptique plus sûr.
    • Lorsque qu'une grossesse est planifiée, commencer à prendre de l'acide folique comme ci-dessus avant la conception pour réduire le risque de MCM.
    • Si aucune grossesse n'est envisagée, fournir une contraception efficace :
    • Dans les situations où le VPA serait la seule option efficace (c.-à-d. après confirmation que les autres antiépileptiques sont inefficaces ou mal tolérés), un test sanguin de grossesse doit être réalisé avant de commencer le traitement, puis régulièrement si la patiente n'est pas sous contraception efficace.
    • En cas de grossesse, voir Filles et femmes enceintes.

    Posologies des antiépileptiques

    Commencer par une dose faible puis l'augmenter progressivement en fonction de la tolérance (apparition d'effets indésirables) et de la réponse (contrôle des crises) du patient. Les doses suivantes sont données à titre indicatif et doivent être ajustées individuellement. 

     

    carbamazépine PO :

    • Enfant de 1 mois à 11 ans : commencer par 5 mg/kg une fois par jour ou 2,5 mg/kg 2 fois par jour ; augmenter la dose journalière par paliers de 2,5 à 5 mg/kg tous les 3 à 7 jours, jusqu'à 5 mg/kg 2 ou 3 fois par jour si nécessaire (max. 20 mg/kg/jour).
    • Enfant de 12 et plus : commencer par 100 à 200 mg une fois par jour ou 50 à 100 mg 2 fois par jour ; augmenter la dose journalière par paliers de 100 à 200 mg chaque semaine, jusqu'à 200 à 400 mg 2 ou 3 fois par jour si nécessaire (max. 1800 mg/jour).
    • Adulte : commencer par 100 à 200 mg une fois par jour ou 50 à 100 mg 2 fois par jour ; augmenter la dose journalière par paliers de 100 à 200 mg chaque semaine, jusqu'à 400 mg 2 ou 3 fois par jour si nécessaire (max. 2 g/jour).

     

    lévétiracétam PO :

    • Enfant de 1 à 5 mois : commencer par 7 mg/kg une fois par jour ; augmenter à 7 mg/kg 2 fois par jour après 2 semaines, puis par paliers de 7 mg/kg 2 fois par jour toutes les 2 semaines si nécessaire (max. 21 mg/kg 2 fois par jour).
    • Enfant de 6 mois à 17 ans (< 50 kg) : commencer par 10 mg/kg une fois par jour ; augmenter à 10 mg/kg 2 fois par jour après 2 semaines, puis par paliers de 10 mg/kg 2 fois par jour toutes les 2 semaines si nécessaire (max. 30 mg/kg 2 fois par jour).
    • Enfant de 50 kg et plus et adulte : commencer par 250 mg 2 fois par jour ; augmenter à 500 mg 2 fois par jour après 2 à 4 semaines, puis par paliers de 500 mg 2 fois par jour toutes les 2 à 4 semaines si nécessaire (max. 1,5 g 2 fois par jour).

     

    phénobarbital PO :

    • Enfant de 1 mois à 11 ans : commencer par 2 à 3 mg/kg une fois par jour au coucher ou 1 à 1,5 mg/kg 2 fois par jour pendant 2 semaines ; augmenter la dose journalière par paliers de 1 à 2 mg/kg chaque semaine, jusqu'à 2 à 6 mg/kg une fois par jour si nécessaire.
    • Enfant de 12 ans et plus et adulte : commencer par 1 mg/kg (max. 60 mg) une fois par jour au coucher pendant 2 semaines ; augmenter la dose journalière par paliers de 15 à 30 mg chaque semaine, jusqu'à 3 mg/kg une fois par jour si nécessaire (max. 180 mg/jour).

     

    phénytoïne PO :

    • Enfant de 1 mois à 11 ans : commencer par 1,5 à 2,5 mg/kg 2 fois par jour ; augmenter la dose journalière par paliers de 5 mg/kg toutes les 3 à 4 semaines, jusqu'à 2,5 à 5 mg/kg 2 fois par jour si nécessaire (max. 7,5 mg/kg 2 fois par jour ou 300 mg par jour).
    • Enfant 12 ans et plus : commencer par 75 à 150 mg 2 fois par jour ; augmenter la dose journalière par paliers de 25 mg toutes les 3 à 4 semaines, jusqu'à 150 à 200 mg 2 fois par jour si nécessaire (max. 300 mg 2 fois par jour).
    • Adulte : commencer par 150 à 300 mg une fois par jour ou 75 à 150 mg 2 fois par jour ; augmenter la dose journalière par paliers de 50 mg toutes les 3 à 4 semaines, jusqu'à 200 à 400 mg une fois par jour ou 100 à 250 mg 2 fois par jour si nécessaire (max. 400 mg une fois par jour ou 300 mg 2 fois par jour).

     

    acide valproïque (valproate de sodium) PO :

    • Enfant de 2 à 11 ans : commencer par 10 à 15 mg/kg une fois par jour ou 5 à 7,5 mg/kg 2 fois par jour ; augmenter la dose journalière par paliers de 5 à 10 mg/kg chaque semaine, jusqu'à 12,5 à 15 mg/kg 2 fois par jour si nécessaire (max. 600 mg 2 fois par jour).
    • Enfant de 12 ans et plus et adulte : commencer par 500 à 600 mg une fois par jour ; augmenter la dose journalière par paliers de 200 mg tous les 3 jours, jusqu'à 500 mg à 1 g 2 fois par jour si nécessaire (max. 2,5 g/jour).

    Suivi des patients

    Le calendrier de suivi initial est guidé par titration de l'antiépileptique prescrit.
    Une fois les crises contrôlées pendant au moins 1 mois, le suivi peut être espacé de 3 mois, puis de 6 mois si le patient est stable.

     

    Encourager le patient à tenir un journal des crises si possible.

     

    À chaque consultation :

    • Évaluer :
      • Croissance et développement chez l'enfant.
      • Traitement :
        • réponse (fréquence des crises) et tolérance (effets indésirables),
        • impact sur la vie quotidienne (p. ex. absence de l'école ou du travail).
      • Adhérence au traitement.
      • Comorbidités, y compris anxiété ou dépression associée.
    • Ajuster la dose de l’antiépileptique si nécessaire. Dans ce cas, revoir le patient autant que nécessaire mais dans tous les cas dans le mois qui suit le changement de dose.
    • Fournir le traitement jusqu'à la prochaine consultation ou selon le calendrier de distribution de l’établissement.
    • Répondre aux questions, discuter des problèmes et tenter de trouver des solutions avec le patient. 

     

    Notes
    • (a)La dose optimale d’acide folique pour prévenir les MCM n’est pas établie. Après le premier trimestre, la dose doit être réduite (utiliser l'association à doses fixes 60 mg de fer élément/400 microgrammes d'acide folique).
    • (a) Pour les crises myocloniques : CBZ et PHT ne sont pas recommandées (risque d'aggravation des symptômes).
    • (b) Pour les crises atoniques : CBZ n'est pas recommandée (risque d'aggravation des symptômes).
    • (c) Pour les crises d'absence : CBZ, PB et PHT ne sont pas recommandés (risque d'aggravation des symptômes).
    Références