Dernière mise à jour : Janvier 2024
Le sida (syndrome d’immunodéficience acquise) est la forme la plus sévère de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (HIV).
Il existe 2 sérotypes. Le HIV-1 est le plus répandu. Le HIV-2 est présent surtout en Afrique de l’Ouest. Sa virulence et sa transmission sont inférieures à celles du HIV-1.
Le HIV affaiblit le système immunitaire et conduit à un déficit de lymphocytes CD4.
Evolution de l’infection
- Infection primaire ou syndrome rétroviral aigu : 50 à 70% des personnes nouvellement infectées développent, au moment de la séroconversion (de 15 jours à 3 mois après l’exposition), un syndrome viral avec fièvre, malaise, lymphadénopathie.
- Infection asymptomatique par le HIV (après séroconversion) : période caractérisée par une latence clinique sans latence virologique. La période médiane précédant l’apparition du sida est d’environ 10 ans dans les pays occidentaux, elle semble plus courte dans les pays en développement.
- Infection symptomatique par le HIV : avec la destruction progressive de l’immunité, des pathologies communes ou sévères apparaissent plus fréquemment chez les patients séropositifs, avec une mortalité plus élevée.
- Sida : ce stade correspond à la survenue d’infections opportunistes sévères et de néoplasies. Au plan biologique, le sida est défini par un taux de CD4 < 200/mm3. En l’absence de traitement, la maladie évolue rapidement vers la mort.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a proposé une classification clinique de l’infection par le HIV en 4 stades de sévérité croissante chez les adultes et les adolescents d’une part, et chez les enfants d’autre part.
[1]
Citation
1.
World Health Organization. WHO case definitions of HIV for surveillance and revised clinical staging and immunological classification de HIV-related disease in adults and children, 2007.
http://www.who.int/hiv/pub/guidelines/HIVstaging150307.pdf [consulté le 17 mai 2018]
Laboratoire
Diagnostic de l’infection par le HIV
- Le diagnostic est réalisé à l’aide de tests sérologiques (détection des anticorps anti-HIV) ou virologiques (en particulier pour les nourrissons).
- Les tests doivent être pratiqués avec le consentement éclairé d’un patient volontaire.
- Les résultats des tests sont confidentiels afin d’éviter toute discrimination.
- La personne doit avoir accès aux services lui offrant conseils (avant et après le test), traitements et soutien.
- Le diagnostic est positif lorsqu’au moins 2 tests différents (2 marques différentes) sont clairement positifs : le résultat positif du premier test (très sensible) doit être confirmé par un second test (très spécifique). Dans les régions de faible prévalence, le diagnostic n’est posé qu’après 3 tests positifs.
Taux de lymphocytes CD4
La lymphopénie CD4 est un marqueur de la progression du déficit immunitaire. Elle permet de prédire la survenue d’infections opportunistes ou de néoplasies et d’orienter leur diagnostic. Par exemple, la toxoplasmose cérébrale ou la cryptococcose méningée apparaissent lorsque le taux de CD4 est ≤ 100/mm3 chez l’adulte. Si les signes cliniques sont évocateurs mais que les CD4 sont ≥ 200/mm3, il est peu probable que ces infections soient présentes.
Infections opportunistes
Il est essentiel de rechercher systématiquement les infections opportunistes sévères chez les patients à risque (p. ex. recherche de l’antigène cryptococcique chez tous les adultes ayant des CD4 < 100 /mm3, même s’ils ne présentent pas de symptômes).
Traitement de l’infection par le HIV
Traitement par les antirétroviraux (ARV)
a
Citation
a.
Pour plus d'informations : The use of antiretroviral drugs for treating and preventing HIV infection. Recommendations for a public health approach. World Health Organization, second edition, 2016.
http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/208825/1/9789241549684_eng.pdf?ua=1
La multithérapie antirétrovirale (au moins 3 ARV) est le traitement de référence. Elle n’éradique pas le virus mais permet de retarder l’évolution de la maladie et d’améliorer l’état clinique du patient, en réduisant la réplication du virus et en élevant le taux de CD4 au-dessus du seuil d’apparition des infections opportunistes.
Classes thérapeutiques
Il existe 4 grandes classes d’ARV :
- INTI (inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse) : zidovudine (AZT), lamivudine (3TC), abacavir (ABC), tenofovir (TDF), emtricitabine (FTC).
- INNTI (inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse) : efavirenz (EFV), névirapine (NVP), étravirine (ETR). Le HIV-2 est naturellement résistant aux INNTI.
- IP (inhibiteurs de la protéase) : atazanavir (ATV), lopinavir (LPV), ritonavir (RTV), darunavir (DRV).
- INI (inhibiteurs de l’intégrase) : dolutégravir, raltégravir.
Principes du traitement
- Un traitement quotidien à vie par une trithérapie est nécessaire pour éviter le développement rapide de résistances. Il est essentiel que le patient l’ait bien compris et que l’adhérence au traitement soit optimale.
- Suivre le protocole national.
- Les associations les plus classiques et les plus simples d’administration sont 2 INTI + 1 INNTI : p. ex. TDF/3TC/EFV.
- En cas d’échec du traitement, les 3 médicaments doivent être remplacés par un traitement de 2e ligne : 2 autres INTI + 1 IP.
Il existe d’autres associations possibles, moins couramment utilisées ou plus difficiles à gérer.
Critères de mise sous traitement ARV
Mettre en priorité sous traitement les patients aux stades cliniques 3 et 4 et les patients ayant un taux de CD4 < 350/mm3. Toutefois, les patients ayant un taux de CD4 plus élevé peuvent aussi débuter les ARV.
Surveillance
La charge virale est indispensable pour assurer le suivi de l’efficacité des ARV. Les CD4 restent utiles pour repérer les immunosuppressions sévères. Les autres examens comme la NFS, les ALAT, la créatinine ne sont pas indispensables mais peuvent être utiles pour détecter les effets indésirables des ARV.
Traitement des infections opportunistes et autres infections
En raison de la destruction progressive de l’immunité, les patients qui ne bénéficient pas d’une trithérapie (ou dont l’adhérence est aléatoire) deviennent de plus en plus vulnérables aux infections. Les traitements classiques sont habituellement efficaces pour les affections des stades cliniques 2 et 3. Les patients peuvent bénéficier d’une prophylaxie primaire (voir Prophylaxie primaire). La tuberculose (TB) est la plus fréquente des infections opportunistes sévères. Elle peut toutefois être difficile à diagnostiquer chez les patients infectés par le HIV.
Traitement de la douleur
Dans tous les cas, prendre en charge les douleurs associées (voir Douleur, Chapitre 1).
Prévention de l’infection par le HIV
Transmission sexuelle
L’utilisation de préservatifs masculins ou féminins est la méthode la plus fiable.
La circoncision masculine réduit sensiblement le risque de transmission du HIV.
Les infections sexuellement transmissibles favorisant la transmission du HIV, il est essentiel de les dépister et de les traiter précocement (Chapitre 9).
Le traitement par les ARV du partenaire séropositif et adhérent protège le partenaire négatif de l’infection.
Accidents d’exposition au sang aux cours d’actes de soin
(piqûre ou blessure avec un objet souillé, contact entre le sang d’un patient et la peau lésée ou les muqueuses non protégées)
La prévention repose sur les précautions standards pour éviter la contamination par du matériel souillé ou des liquides biologiques potentiellement infectés.
Prophylaxie post-exposition (PPE) : en cas de viol par exemple ou d’accident d’exposition au sang, un traitement ARV débuté le plus rapidement possible dans les 72 heures pour une durée d’un mois réduit le risque de transmission.
Transmission nosocomiale
La prévention de l’infection nosocomiale par le HIV repose sur l’utilisation rationnelle des injections et le strict respect des procédures d’hygiène, stérilisation et désinfection du matériel médical.
Pour les transfusions : le strict respect des indications transfusionnelles et le dépistage sérologique systématique du sang du donneur sont les 2 précautions indispensables à la sécurité transfusionnelle.
Transmission chez les usagers de drogues IV
Programme d’échange de seringues à usage unique chez les usagers.
Transmission mère-enfant (TME)
Le taux global de transmission varie de 20 à 40%. Le risque dû à l’allaitement maternel est évalué à environ 12% et persiste pendant toute la durée de l’allaitement.
- Chez la femme enceinte : la transmission du HIV de la mère à l’enfant peut être réduite par les ARV. Le protocole appelé Option B+ est le protocole de choix. Toutes les femmes enceintes infectées par le HIV reçoivent une trithérapie, quel que soit le taux de CD4 et le stade clinique OMS. Le protocole recommandé est TDF/3TC/EFV ou TDF/FTC/EFV. S’informer du protocole national. De plus, le nouveau-né reçoit des ARV.
Les programmes destinés aux femmes enceintes comportent d’autres mesures de prévention : éviter la rupture artificielle des membranes, pas d’épisiotomie systématique. - Chez la femme allaitante : poursuite de l’allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois, diversification de l’alimentation à partir de l’âge de 6 mois, arrêt progressif de l’allaitement vers l’âge de 12 mois.
Prévention des infections opportunistes
En l’absence d’ARV, toute infection par le HIV devient symptomatique et évolue vers le sida. Certaines de ces infections peuvent être prévenues.
Prophylaxie primaire
Pour éviter l’apparition de certaines infections opportunistes chez les patients infectés par le HIV.
Infections |
Prophylaxie primaire |
---|---|
Pneumocystose |
co-trimoxazole PO |
Prophylaxie secondaire
Pour les patients ayant développé une infection opportuniste spécifique, dès la fin du traitement d’attaque, dans le but d’en prévenir les récidives.
Infections |
Prophylaxie secondaire |
Remarques |
---|---|---|
Pneumocystose |
co-trimoxazole PO |
Alternative |
Toxoplasmose |
Alternative |
|
Isosporose |
– |
|
Penicilliose |
itraconazole PO |
– |
Cryptococcose meningée |
fluconazole PO |
– |
Candidose buccale |
fluconazole PO |
Seulement si récidives sévères et fréquentes |
Herpes simplex |
aciclovir PO |
Seulement si récidives sévères et fréquentes |
Symptômes |
Définitions et étiologies |
Diagnostic |
Traitement |
---|---|---|---|
Diarrhée (voir aussi |
La diarrhée est définie comme l’émission d’au moins 3 selles liquides par jour. Etiologies : Infections parasitaires Infections bactériennes Infections mycobactériennes Helminthiases Infections virales Autres causes |
1. Anamnèse et examen clinique 2. Examen parasitologique des selles (2 à 3 examens) Remarque : |
• La diarrhée persistante (> 2 semaines) ou chronique (> 4 semaines) est fréquemment associée à une perte de poids et à une déshydratation. Diarrhée aiguë sanglante Diarrhée non sanglante, persistante ou chronique • En l’absence d’amélioration (et de contre-indication telle que diarrhée sanglante), traitement symptomatique, lopéramide PO : Nutrition ++++ |
Lésions buccales et de l’œsophage |
Infections fongiques Infections virales Aphtose |
La clinique suffit à faire le diagnostic. Considérer toute candidose buccale grave (s’étendant au pharynx) comme une candidose œsophagienne, même en l’absence de dysphagie. |
• Candidose oropharyngée bénigne • Candidose oropharyngée modérée à sévère et candidose œosphagienne Une candidose est une indication pour une prophylaxie par le co-trimoxazole. • Leucoplasie orale chevelue : pas de traitement • Herpès buccal |
Manifestations respiratoires (voir aussi |
Toux et/ou douleur thoracique et/ou dyspnée chez un patient présentant une infection symptomatique par le HIV. Etiologies : Infections bactériennes Infections mycobactériennes Infections par des protozoaires Infections fongiques Infections virales Néoplasies Autres |
1. Anamnèse et examen clinique : 2. Si possible : Remarques : |
• Pour le diagnostic et traitement des infections respiratoires hautes et en particulier des pneumonies : voir Chapitre 2. • Si la Rx pulmonaire évoque une staphylococcie pulmonaire : • Si examen de crachats BK+, traiter une TB. • Si l’examen de crachats est négatif et que la Rx pulmonaire évoque une PPC : • Infections fongiques (cryptococcose, pénicilliose, histoplasmose) : |
Lymphadénopathie |
Augmentation de volume d’un ganglion lymphatique chez un patient présentant une infection symptomatique par le HIV. Lymphadénopathie persistante généralisée (LPG) : Etiologies : Infections Néoplasies |
1. Examen clinique : rechercher une cause locale (infection cutanée, dentaire, etc.) ; une TB ou une syphilis. 2. Suspicion de TB : ponction du ganglion, recherche de BK, Rx du thorax. 3.Suspicion de syphilis : sérologie 4. Si examens négatifs : une biopsie est utile pour exclure un lymphome, une maladie de Kaposi ganglionnaire, une infection fongique ou mycobactérienne (voir remarque pour les patients en stade 1). |
• Traitement selon l’étiologie ou traitement empirique avec p. ex. doxycycline PO. • TB : voir le guide Tuberculose, MSF. • Syphilis précoce : Remarque : chez un patient en stade 1, aucune investigation (autres que 1.2.3) ou traitement ne sont nécessaires. |
Pathologies cutanées (voir aussi |
Infections bactériennes Infections virales Infections fongiques Néoplasie Autres dermatoses Eruptions médicamenteuses Escarres |
Infections bactériennes Infections virales Infections fongiques Sarcome de Kaposi (SK) Autres dermatoses |
|
Troubles neurologiques chez l’adulte |
Etiologies : Infections Néoplasie Causes communes de céphalées sans rapport avec le HIV : parfois plus fréquentes chez les patients infectés (sinusite, troubles de l’accommodation, etc.) Effets indésirables des ARV |
Examen clinique : Dans les endroits où elle est fréquente, rechercher systématiquement une cryptococcose chez tous les adultes ayant des CD4 < 100 avant de débuter les ARV (test rapide CrAg). En zone endémique, rechercher un paludisme (si fièvre). Ponction lombaire (PL) si pas de contre-indication. Eléments en faveur d’une neurosyhilis : |
Test paludisme rapide positif : voir Paludisme, Chapitre 6. En cas de signes focaux, traiter une toxoplasmose : Si la PL est positive : Neurosyphilis : Céphalées sans étiologie reconnue : traitement symptomatique en commençant par des antalgiques de niveau 1 (voir Douleur, Chapitre 1). |
Troubles neurologiques chez l’enfant |
Etiologies : |
Bien interroger car seuls les épisodes aigus bénéficient d’un traitement étiologique spécifique (convulsions, syndrome méningé, signes de focalisation). En zone endémique, rechercher un paludisme (si fièvre). Ponction lombaire (PL) si pas de contre-indication. |
Test paludisme rapide positif : voir Paludisme, Chapitre 6. Si la PL n’est pas réalisable : Si la PL est positive : |
Fièvre persistante ou récurrente |
Température > 38 °C, chronique (pendant plus de 5 jours) ou récurrente (plusieurs épisodes sur une période de plus de 5 jours) Etiologies : Infections Néoplasie Infection par le HIV Fièvre d’origine médicamenteuse |
1. Anamnèse et examen clinique : rechercher un foyer ORL ou urinaire, une TB, une éruption cutanée, des ganglions, etc. 2. En zone endémique, rechercher un paludisme. 3. Suspicion de TB : recherche de BK. 4. Rx pulmonaire, numération formule sanguine, hémocultures, analyses d’urine, coproculture, sérologie, ponction lombaire (PL). Si le patient est sous traitement, penser à une fièvre d’origine médicamenteuse. |
Test paludisme rapide positif : voir Paludisme, Chapitre 6. Suspicion de méningite : traitement selon le résultat de la PL. Foyer infectieux identifié ou suspecté : |
- (a)Pour plus d'informations : The use of antiretroviral drugs for treating and preventing HIV infection. Recommendations for a public health approach. World Health Organization, second edition, 2016.
http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/208825/1/9789241549684_eng.pdf?ua=1
- 1.World Health Organization. WHO case definitions of HIV for surveillance and revised clinical staging and immunological classification de HIV-related disease in adults and children, 2007.
http://www.who.int/hiv/pub/guidelines/HIVstaging150307.pdf [consulté le 17 mai 2018] - 2.
Word Health Organization. Guidelines for the diagnosis, prevention, and management of cryptococcal disease in HIV-infected adults, adolescents and children, Geneva, 2018.
http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/260399/9789241550277-eng.pdf?sequence=1 [consulté le 17 mai 2018]