La riposte vaccinale est définie en tenant compte de plusieurs éléments : identification des zones à risque et prioritaires, de la population cible et des stratégies choisies.
Quelle que soit la riposte, le renforcement des activités de surveillance et de prise en charge des patients restent prioritaires. La présence d’une épidémie de rougeole est le signe d’une couverture vaccinale rougeole insuffisante. Le niveau de couverture vaccinale des autres antigènes est souvent du même niveau. Il est donc recommandé de considérer toute campagne de vaccination réactive comme une opportunité de réaliser une vaccination multi-antigènes si celle-ci de retarde pas la riposte à l’épidémie de rougeole (Voir Section Autres vaccinations ci-dessous). |
Le choix des zones à vacciner et des stratégies (vaccination de masse et/ou renforcement de la vaccination de routine) font souvent l’objet de discussions et pressions, toutefois les décisions doivent être prises rapidement. Le choix tient compte des ressources humaines et des moyens logistiques et financiers disponibles et mobilisables avec, avant tout, un souci d’efficacité.
L’approche la plus appropriée est déterminée à partir de l’analyse du potentiel d’extension (Voir Chapitre 3, Tableau 3.2).
Tableau 4.2 - Activités de riposte en fonction du potentiel d’extension de l’épidémie (Se référer aussi à la Section 4.4.5)
| Potentiel d’extension | Niveau de réponse | Situation | Riposte vaccinale |
|---|---|---|---|
| Faible | Vigilance | Pas d’épidémie confirmée | Renforcer rapidement la vaccination de routine. Identifier les groupes ou zones dans lesquels la couverture est faible et y concentrer les efforts. Rattrapage des enfants non vaccinés. |
| Elevé | Alerte | Epidémie confirmée ou non | Une vaccination sélective ou non sélective jusqu'à 5 ans est mise en œuvre rapidement : campagne de vaccination ou renforcement de la vaccination de routine dans les structures de santé et par des équipes mobiles. L’extension de la vaccination au-delà de 5 ans est discutée sur base de l’analyse des données collectées (taux d’attaque, nombre de cas et couverture vaccinale) et des moyens disponibles. Contrôle du risque d’extension. |
| Très élevé | Riposte rapide | Epidémie confirmée selon une définition préétablie | Débuter une campagne de vaccination de masse non sélective dès que possible. Discuter des classes d’âge à vacciner en se basant sur l’analyse des données collectées (taux d’attaque, nombre de cas, couverture vaccinale) et des moyens disponibles. Il est recommandé de vacciner dans le foyer épidémique. Même si l’épidémie est identifiée tardivement, il n’est pas trop tard pour agir. Contrôle de l’épidémie. |
4.4.1 Renforcement des activités de vaccination de routine
Dès qu’une épidémie est suspectée, s’assurer que les activités de vaccination de routine fonctionnent correctement et sont efficaces.
A défaut de données d’enquête de couverture vaccinale, l’analyse des données de vaccination de routine permet d’identifier les poches à faible couverture. L’identification des raisons de non-vaccination dans ces zones permet de comprendre la perception et les freins à la vaccination, et de mettre en place des stratégies de riposte appropriées.
Informer et mobiliser
Le contenu des messages de sensibilisation tient compte de la perception de la vaccination dans la population (acceptabilité/adhérence) et de ses connaissances (population habituée ou non à être vaccinée en routine). Tenir compte des expériences antérieures.
Tous les canaux de communication efficaces doivent être employés.
Améliorer l’accès
Contrôler systématiquement le statut vaccinal dans toutes les activités (curatives et préventives), y compris pour les enfants accompagnants
Organiser des séances de vaccination quotidiennes avec extension des horaires
Augmenter la fréquence de passage des équipes mobiles ou renforcer les autres stratégies avancées
Renforcer les moyens
Garantir la disponibilité des vaccins et du matériel d’injection
Envisager un rattrapage vaccinal rougeole, et si possible à tous les antigènes, jusqu’à 5 ans
Proposer un support logistique (chaîne de froid, moyens de transport, carburant)
Renforcer ponctuellement le personnel (personnel supplémentaire affecté à la vaccination pendant la période) et la promotion de la santé et engagement communautaire si besoin
4.4.2 Campagne de vaccination de masse [1]Citation 1.World Health Organization. Measles Outbreak Guide [Internet]. Geneva: World Health Organization; 2024. Available from: https://www.who.int/publications/i/item/9789240052079
L’objectif de la campagne est de limiter le nombre de cas et de décès et de circonscrire l’épidémie en vaccinant 100 % de la population cible.
Dans la mesure du possible, pour limiter l’extension et le nombre de cas, commencer par les zones fortement peuplées (zones urbaines, camps de réfugiés ou déplacés) car cela permet d’obtenir rapidement une protection dans les zones les plus à risque de transmission rapide. De plus, l’accessibilité, la logistique et la supervision y sont plus faciles. Afin, de limiter le nombre de décès, il peut être intéressant de considérer aussi les zones pour lesquelles l’accès aux soins est très limité.
Les horaires de vaccination proposés doivent tenir compte des activités et horaires de travail de la population.
Zones urbaines ou fortement peuplées
En zone urbaine, il est préférable d’éviter d’impliquer les centres de santé dans la campagne de vaccination. La surcharge de travail engendrée peut nuire à la prise en charge des malades souffrant de rougeole ou d’autres pathologies. Il faut mettre en place des sites de vaccination spécifiques et temporaires. Pour être accessibles à tous, les sites de vaccination doivent être répartis dans les quartiers en fonction de la taille de la population.
En fin de campagne, maintenir des sites de vaccination dans les centres de santé pendant au minimum une semaine pour vacciner les retardataires.
La mise en place de sites de vaccination est combinée à d’autres approches :
- Equipes mobiles de vaccination :
En milieu scolaire
Par exemple : les plus petites structures scolaires amèneront les enfants sur les sites établis dans les grandes structures aux heures plus creuses ou sur rendez-vousDans les collectivités : crèches, jardins d’enfants, orphelinats, centres de détention pour mineurs, etc.
Dans les lieux de rassemblement (marchés, sites de distribution de nourriture ou de moustiquaires etc.)
Auprès des populations éloignées des centres de santé ou isolées (nomades p.ex.)
Auprès de groupes qui ne souhaitent pas se mêler à d’autres groupes (ethnie p.ex.)
- Autre approche : toute approche alternative permettant de proposer la vaccination à des groupes identifiés comme faiblement vaccinés doit être envisagée (p.ex., porte à porte).
Zones rurales
En zone rurale, la riposte associe plusieurs stratégies vaccinales :
- Vaccination au niveau des structures de soins existantes
- Envoi d’équipes mobiles dans les zones éloignées des centres de santé. Cette option est la plus appropriée pour atteindre « les enfants zéro dose », qui n’ont pas accès aux vaccinations de routine (nomades ou groupes dispersés)
La taille des équipes mobiles est plus petite qu’en zone urbaine. Les équipes peuvent rester un ou plusieurs jours dans des lieux sélectionnés qui regroupent, si possible, plusieurs localités. A défaut, elles peuvent sillonner les localités à vacciner selon un circuit prédéfini lorsque la population a été informée au préalable.
Pour atteindre des couvertures vaccinales efficaces, il faut mobiliser d’importants moyens logistiques et prévoir une durée de campagne plus longue qu’en zone urbaine. La supervision y est aussi nettement plus complexe.
4.4.3 Identification de la population cible
Le calcul des taux d’attaque spécifiques par lieu et par classe d’âge permet d’identifier les zones géographiques et les classes d’âge à cibler en priorité.
Zones prioritaires
Etablissements à risque particulier : services d’hospitalisation pédiatriques, centres de nutrition, structures accueillant des jeunes enfants (crèches, écoles, orphelinats, etc.)
Zones géographiques densément peuplées (villes, bidonvilles, camps de réfugiés/déplacés)
Zones géographiques avec les plus forts taux d’attaque, en tenant compte de l’allure de la courbe épidémique
Zones géographiques à faible couverture vaccinale
Groupes à risque
Le choix de la population cible dépend des taux d’attaque et du nombre absolu de cas dans chaque classe d’âge
[2]Citation 2.Ferrari MJ, Djibo A, Grais RF, Grenfell BT, Bjørnstad ON. Episodic outbreaks bias estimates of age-specific force of infection: a corrected method using measles as an example. Epidemiol Infect. 2009;138(1):108-116. doi:10.1017/S0950268808001927
, des objectifs fixés (réduction de la morbidité, mortalité) et de l’importance des moyens à mobiliser. Lorsque les ressources sont disponibles, la vaccination d'un groupe d'âge plus large (jusqu'à 15 ans) dans le cadre d'une campagne de vaccination permet de stopper plus efficacement la transmission d'une épidémie. Toutefois, les groupes d'âge plus jeunes (moins de 5 ans) restent les plus exposés au risque de mortalité et sont souvent des moteurs de transmission efficaces. Les interventions doivent donc tenir compte des contraintes contextuelles du terrain lors de l'organisation d'une campagne.
| Attention à l’interprétation des taux d’attaque : p.ex., chez les 5-15 ans, un taux d’attaque inférieur à celui des < 5 ans, peut correspondre à un nombre de cas supérieur car les 5-15 ans représentent une proportion plus élevée de la population totale. |
4.4.4 Evaluation des contraintes
Les contraintes suivantes sont à prendre en compte lors de la planification de la campagne :
Délai d’approvisionnement en vaccins et en matériel
Capacités logistiques : lorsqu’elles sont limitées, il est préférable de débuter rapidement la campagne en ciblant les zones prioritaires plutôt que d’attendre les moyens disponibles pour une intervention de grande ampleur, mais trop tardive. Ceci laisse le temps de mobiliser les moyens pour vacciner dans les autres zones
Personnel disponible
Accessibilité : réseau routier, distance, densité de population
Evénements particuliers (fête, élection, congé, distribution alimentaire, etc.)
Sécurité
| La préparation d’une campagne de vaccination en urgence ne devrait pas excéder 2 semaines. |
4.4.5 Autres points à déterminer
Vaccination sélective ou non sélective
Définition :
Vaccination sélective (discriminante) : vérifier systématiquement le statut vaccinal de l’enfant à partir de la carte de vaccination. Si la vaccination en deux doses est prouvée (la carte est présentée), le vaccin n’est pas administré.
Vaccination non sélective (non discriminante) : tous les enfants sont vaccinés quels que soient leurs antécédents vaccinaux (cartes ou historique non vérifiés).
La vaccination non sélective, plus rapide, est l’option privilégiée dans les campagnes de vaccination réactives. Ce choix doit être fait dès le début de la planification, car il aura un impact sur les moyens à déployer et l’organisation des activités.
Choix du vaccin
Dans les pays, qui ont inclus le vaccin rougeole-rubéole dans le calendrier vaccinal, on utilise un vaccin rougeole-rubéole pour toute campagne réactive à une épidémie de rougeole, de rubéole ou mixte rougeole-rubéole.
Distribution de vitamine A
La distribution de vitamine A (rétinol PO) à dose préventive est associée à toute campagne de vaccination contre la rougeole sauf en cas d’administration récente (moins de 1 mois), et sera un atout pour la réduction de la mortalité.
S’informer sur les distributions réalisées ou planifiées.
Enfant de 6 à 11 mois : 100 000 UI dose unique (4 gouttes d’une capsule à 200 000 UI)
Enfant de 1 à 5 ans : 200 000 UI dose unique (8 gouttes d’une capsule à 200 000 UI)
Autres activités
- Autre vaccination :
La présence d’une épidémie de rougeole est le signe d’une couverture vaccinale rougeole insuffisante. Le niveau de couverture vaccinale des autres antigènes est souvent du même niveau. Il est donc recommandé de considérer toute campagne de vaccination réactive comme une opportunité de réaliser une vaccination multi-antigènes. Cela se justifie d’autant plus :- Lorsqu’une autre épidémie sévit en parallèle (méningite, fièvre jaune, poliomyélite, etc.)
- Dans certaines situations particulières (camps de réfugiés, déplacement de population)
- Zones avec une très faible couverture vaccinale (accès difficile, population marginalisée)
Pour tout autre vaccination associée, l’information, les ressources en vaccins, la chaîne de froid, le personnel, les outils de collecte et le circuit (Annexe 48) doivent être adaptés et l’équipe formée.
La décision d’associer d’autres vaccins doit être prise en tenant compte du contexte, et des moyens disponibles (stock de vaccins, capacité de chaîne de froid, personnel, ressources financières, etc.) de façon à ne pas retarder la campagne réactive.
Autre activité :
D’autres activités peuvent être réalisées au cours des campagnes de vaccination : vitamine A, déparasitage, chimioprophylaxie contre le paludisme, distribution de moustiquaires imprégnées ou de suppléments nutritionnels.
Toujours évaluer le bénéfice potentiel des activités associées et les contraintes de mise en œuvre (y compris le délai d’obtention d’une couverture vaccinale efficace) qu’elles entraînent et s’assurer qu’elles ne retardent pas la campagne de vaccination réactive
- 1.
World Health Organization. Measles Outbreak Guide [Internet]. Geneva: World Health Organization; 2024. Available from: https://www.who.int/publications/i/item/9789240052079
- 2.
Ferrari MJ, Djibo A, Grais RF, Grenfell BT, Bjørnstad ON. Episodic outbreaks bias estimates of age-specific force of infection: a corrected method using measles as an example. Epidemiol Infect. 2009;138(1):108-116. doi:10.1017/S0950268808001927