4.3 Principes et organisation de la prise en charge des patients

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Sommaire

    4.3.1 Décentralisation des soins

    La prise en charge précoce des cas est une priorité pour diminuer la létalité, les complications et les séquelles de la rougeole.


    Seule la décentralisation de la prise en charge curative et la recherche active des cas permettent de réduire le délai entre les premiers symptômes et la mise en route du traitement. Une étude dans une zone difficile d’accès, a montré que le risque de décès de rougeole des enfants vivant à plus de 30 km d’un hôpital était 3 fois plus important avant la mise en place d’un système de décentralisation des soins (gratuité de la prise en charge des cas simples en périphérie et système de référence) [1]Citation 1.Gignoux E, Polonsky J, Ciglenecki I, et al. Risk factors for measles mortality and the importance of decentralized case management during an unusually large measles epidemic in eastern Democratic Republic of Congo in 2013. Arez AP, ed. PLOS ONE. 2018;13(3):e0194276. doi:10.1371/journal.pone.0194276  .

    Les centres de traitement sont répartis de manière à couvrir l’ensemble de la zone concernée par l’épidémie. La stratégie choisie doit permettre d’assurer la disponibilité de traitements adaptés à tous les niveaux. Dans certains cas (difficulté ou impossibilité de référer vers un hôpital), il peut être nécessaire d’ouvrir des unités temporaires d’hospitalisation (bâtiment public, tentes, etc.) pendant la durée de l’épidémie. 
     

    4.3.2 Système de référence pour les cas sévères

    S’assurer qu’un système de référence et contre-référence efficace est en place pour transférer les cas sévères vers les services d’hospitalisation.


    Les critères de transfert et le protocole de traitement avant transfert doivent être clairs et connus. Des fiches de transfert doivent être disponibles dans tous les centres périphériques et le transfert doit être noté dans le registre des cas. 

    4.3.3 Gratuité des soins

    Pour garantir l’accès aux soins, le traitement (rougeole et pathologies associées), le transfert du patient et l’hospitalisation doivent impérativement être gratuits. Un soutien aux activités pédiatriques de l’hôpital de référence peut être recommandé si besoin. 

    4.3.4 Gestion des risques de transmission

    Dès l’identification des premiers cas, mettre en place des mesures de prévention de la contagion et d’isolement dans les structures de santé de la zone concernée, tant au niveau du triage qu’au niveau de l’hospitalisation. 

    Dispensaires, centres de soins (traitement ambulatoire)

    Dans les salles d’attente de structures de santé, le risque de transmission de la rougeole peut être important (promiscuité, locaux souvent exigus et mal ventilés, temps d’attente long, etc.). 

    Il faut donc :

    • Effectuer un triage des patients : identifier dès leur arrivée les patients qui présentent des symptômes compatibles avec la rougeole (éruption cutanée fébrile) pour les orienter vers une salle/zone d’attente spécifique avec séparation de 2 m entre les patients si possible de façon à protéger les patients indemnes de rougeole.

    • Aérer fréquemment et largement les salles d’attente pour renouveler l’air contaminé par les microgouttelettes émises par les personnes infectées .

    • Envisager le port de masque type II R pour les patients et FFP2 pour toute personne non vaccinée n’ayant pas d’antécédents de rougeole et/ou si le contexte le requiert (Voir recommandations nationales).
       

    Hôpitaux ou unités temporaires d’hospitalisation rougeole

    • Regrouper et isoler les cas durant toute l’hospitalisation avec un circuit patient bien distinct de celui de l’hôpital général

    • Prévoir pour assurer la surveillance et les soins aux patients : 

      • Du personnel de santé dédié

      • Un équipement médical adapté

      • Le fonctionnement de l’unité de prise en charge des cas sévères de rougeole avant son ouverture (Annexe 8
         

    Protection

    Vérifier le statut vaccinal (2 doses) des soignants et des accompagnants et organiser leur vaccination si besoin. 

    Conseil aux familles 

    Conseiller aux membres de la famille des patients ayant la rougeole d’éviter les lieux de regroupement (p.ex. école, manifestation culturelle ou sportive) pendant 5 jours après le début des premiers symptômes.  
     

    4.3.5 Formation et supervision du personnel de soins

    La formation et la supervision du personnel soignant sont essentielles à la qualité des soins.

    Formation

    Evaluer les connaissances et si nécessaire, organiser des séances de formation et de mise jour des connaissances :

    • Formation initiale en fonction du niveau du personnel, au cours de laquelle les documents de formation, protocoles de surveillances et de traitements et kits de traitements sont distribués

    • Formation continue lors de visites de supervision

    Supervision

    Les visites de supervision sont l’occasion d’approvisionner les centres, de renforcer la surveillance épidémiologique mais aussi de discuter des cas cliniques complexes et des difficultés rencontrées.

    Une première visite de toutes les structures de soins de la zone concernée est indispensable dès la mise en place de l’approvisionnement. Elle permet de : 

    • Vérifier que les informations précises (définition de cas, recueil des données, protocoles de traitement, gratuité, critères de références) ont été données au personnel de santé et qu’elles sont comprises

    • Définir une stratégie d’approvisionnement avec le personnel en poste

    • Informer les autorités et la population de l’évolution de l’épidémie

    • D’autres visites sont ensuite programmées pour répondre aux questions pratiques, suivre la gestion des stocks et la tenue des registres et évaluer la qualité de la prise en charge

     

    4.3.6 Approvisionnement des structures

    Estimation des besoins en traitements

    Les besoins en médicaments et matériel médical sont estimés à partir du nombre de cas attendus, du nombre de structures à approvisionner et des stocks existants (Annexe 9). Une réserve doit être prévue.

     

    L’estimation du nombre de cas attendus est basée sur un taux d’attaque cumulé moyen observé lors d’épidémies précédentes ou sur l’observation d’autres épidémies. L’étude des épidémies, ces 20 dernières années aCitation a.Rapports internes MSF  montre une grande variabilité avec un taux d’attaque cumulé sur toute la durée de l’épidémie situé entre 100 et plus de 3000 cas/100 000 (soit entre 0,1 et 3 %). Une première estimation des besoins basée sur un taux d’attaque de 500 cas/100 000 personnes semble raisonnable. 

     

    Exemple : Ville de 300 000 habitants, avec 400 cas déjà déclarés depuis 5 semaines 

    Population à risque300 000
    Nombre de cas estimés (taux d’attaque à 500/100 000)1 500
    Ôter le nombre de cas déclarés à ce jour– 400
    Nombre de nouveaux cas estimés jusqu’à la fin de l’épidémie1 100
    Ajouter une réserve de sécurité de 25%275
    TOTAL de traitements nécessaires1 375

     

    La proportion de patients nécessitant une hospitalisation varie selon le contexte (accès aux soins, etc.) entre 10 et 20% des cas.


    Dans cet exemple, on considère que 15% des patients seront hospitalisés ; le nombre de traitements nécessaires pour les « cas sévères » est donc : 1 375 x 15% = 206.


    La première estimation, en début d’épidémie, permet de réaliser une commande pour les premières semaines. En fonction de l’évolution de l’épidémie, des activités de vaccination et de l’état des stocks, d’autres commandes peuvent être nécessaires.


    L’existence d’un protocole thérapeutique standard permet de réaliser les commandes à partir de la liste des articles et médicaments sélectionnés. 

    Kits de traitement

    L’approvisionnement de toutes les structures de soins ambulatoires ou d’hospitalisation, sur le plan national et local, est réalisé sous forme de kits pendant toute la durée de l’épidémie. Cette option simplifie le transport et la gestion des stocks, réduit les risques de pénurie et garantit l’accès du malade à un traitement complet.

    Il existe 2 types de kits de traitement (Annexe 10) :

    • Kit 10 traitements « cas simples » pour dispensaires et centres de santé.

    • Kit 20 traitements « cas sévères » pour hôpitaux ou unités temporaires d’hospitalisation. 

     

    Pour gagner du temps et se concentrer sur d’autres activités lors des visites (support et échanges avec le personnel p.ex.), les kits sont préparés à l’avance au niveau du stock central puis distribués aux établissements de soins. Si nécessaire, du personnel journalier peut être embauché et encadré par un membre médical de l’équipe pour préparer les kits. 

    Planification des approvisionnements

    Elle est définie en fonction :

    • Des données épidémiologiques (nombre de cas et aspect de la courbe épidémique, létalité)

    • De l’accessibilité aux structures de soins : distance, durée des déplacements, état des routes, sécurité

    • Des besoins d’encadrement du personnel

    • Des moyens disponibles : véhicules, transports publics/privés, carburant

    • Du personnel qualifié mobilisable pour approvisionner les structures et superviser le traitement des patients 

     

    Plusieurs options sont possibles :

    • Des équipes mobiles supervisent et approvisionnent les centres de santé et recueillent les données.
    • Le personnel des centres de santé vient s’approvisionner à la pharmacie centrale et y apporte les données hebdomadaires.
    • Une combinaison de ces deux stratégies.

     

    Utiliser des moyens de communication rapides (téléphone, radio) permet d’établir un contact pour ajuster le support et l’approvisionnement.

    Stratégie de distribution des kits

    Le but est d’assurer à chaque structure la disponibilité constante des traitements tout au long de l’épidémie (Annexe 11).

     

    1) Couverture initiale de la zone

    Dès la confirmation de l’épidémie, des kits sont acheminés le plus rapidement possible dans toutes les structures de soins de la zone concernée. Ils sont distribués, par ordre de priorité : 

    • Aux hôpitaux et unités temporaires d’hospitalisation des cas de rougeole (kit cas sévères)

    • Aux centres de santé qui déclarent le plus grand nombre de cas, et particulièrement ceux où la létalité est élevée (kit cas simples)

    • A tous les centres de santé qui déclarent des cas (kit cas simples)

    • Aux centres de santé n’ayant pas encore déclaré de cas : pré-positionnement d’un kit 10 traitements « cas simples »

     

    Les définitions de cas, critères d’hospitalisation, protocoles de traitement (Annexe 13) et formulaires hebdomadaires de recueil de données épidémiologiques standardisés sont distribués conjointement dans tous les établissements approvisionnés.  

     

    2) Approvisionnements suivants

    L’approvisionnement se poursuit ensuite dans toutes les structures en fonction du nombre de cas déclarés, du nombre théorique de traitements en stock et de la létalité. En fonction de la charge de travail et des moyens logistiques disponibles, on définit la durée pour laquelle les kits de traitements sont donnés (Annexe 11).

     

    Attention :

    • Ne pas donner tous les kits de traitements en une fois mais bien pour une période déterminée.

    • Eviter la dispersion : des traitements pourraient être alloués inutilement à des centres qui ne traitent pas de cas au détriment de centres qui traitent de nombreux cas et pour lesquels il faut concentrer les ressources.

    • En fin d’épidémie, la distribution des kits de traitements doit être maintenue quelques semaines après la vaccination pour assurer la prise en charge des derniers cas. 

    Notes
    • (a)Rapports internes MSF
    Références
    • 1.

      Gignoux E, Polonsky J, Ciglenecki I, et al. Risk factors for measles mortality and the importance of decentralized case management during an unusually large measles epidemic in eastern Democratic Republic of Congo in 2013. Arez AP, ed. PLOS ONE. 2018;13(3):e0194276. doi:10.1371/journal.pone.0194276