5.1.1 Incubation
L’incubation dure environ 10 jours (10 à 14 jours), de la date de contage à la date d’apparition des premiers signes cliniques. Elle peut être plus courte 7 jours et très rarement aller jusqu’à 23 jours.
5.1.2 Symptômes
Phase d'invasion (phase catarrhale)
Elle dure 2 à 4 jours.
- Fièvre supérieure à 38 °C, souvent supérieure à 39 °C
- Catarrhe oculo-respiratoire : toux non productive et/ou rhinorrhée (écoulement nasal) et/ou conjonctivite (yeux rouges et larmoyant)
- Signe de Koplick : petites taches blanches-bleuâtres (2 à 3 mm) reposant sur une base érythémateuse, sur la face interne des joues. Ce signe apparaît habituellement 1 à 2 jours avant l’éruption cutanée et persiste 2 à 3 jours. Il est spécifique à la rougeole mais n’est pas toujours présent. Il n’est pas nécessaire de le retrouver pour poser le diagnostic de rougeole.
Phase d'état (phase éruptive)
Elle débute 14 jours en moyenne après le contage et dure 4 à 6 jours.
- Exanthème constitué de maculo-papules érythémateuses, s'effaçant à la pression, non prurigineuses, pouvant confluer en plaques séparées par des intervalles de peau saine.
- L’éruption s'étend progressivement de haut en bas en 3 à 4 jours : front puis face, cou, thorax, abdomen et membres inférieurs.
Parallèlement, les signes de catarrhe régressent. En l'absence de complication, la fièvre disparaît lorsque l’éruption atteint les pieds. Puis l’exanthème disparaît progressivement et la peau desquame.
Phase de convalescence
Les peaux pigmentées prennent un aspect tigré puis desquament intensément pendant 1 à 2 semaines.
5.1.3 Diagnostic différentiel
Rubéole [1]Citation 1.World Health Organization (WHO). Rubella vaccines: WHO position paper – July 2020. Wkly Epidemiol Rec. 2020;95(27):301-324. https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/332950/WER9527-eng-fre.pdf?sequence=1 (accompagnée d’adénopathies cervicales postérieures), mégalérythème infectieux, exanthème subit ou roséole infantile (éruption transitoire touchant principalement le tronc), mononucléose infectieuse, scarlatine, typhus exanthématique, certaines rickettsioses, érythème médicamenteux, etc.
5.1.4 Complications aiguës
Les complications de la rougeole sont multiples
aCitation a.Les complications sont liées à l’altération des surfaces épithéliales (pulmonaires, digestives) et à l’immunosuppression transitoire consécutive à la rougeole.
,
[2]Citation 2.Perry RT, Halsey NA. The clinical significance of measles: a review. Orenstein WA, ed. J Infect Dis. 2004;189(Suppl 1):S4-S16. doi:10.1086/377712
,
[3]Citation 3.World Health Organization (WHO). The Child, Measles and the Eye. Geneva, Switzerland: WHO; 2004. WHO/EPI/TRAM/93.05.
http://www.who.int/immunization/programmes_systems/interventions/ChildMeaslesEyeENG300.pdf
. 75% des cas de rougeole présentent au moins une de ces complications. Les décès sont dus aux complications les plus sévères.
Complications respiratoires et ORL (virales ou bactériennes)
Chez les enfants de moins de 5 ans, ce sont les complications les plus fréquentes, pendant et après la maladie.
Chez les adultes, les complications pulmonaires sont moins fréquentes que chez l’enfant, mais plus sévères.
- Otite moyenne aiguë
Dans 5 à 15% des cas, la rougeole se complique d’une otite moyenne aiguë [2]Citation 2.Perry RT, Halsey NA. The clinical significance of measles: a review. Orenstein WA, ed. J Infect Dis. 2004;189(Suppl 1):S4-S16. doi:10.1086/377712 .
- Pneumonie
5 à 10% des patients rougeoleux développent une pneumonie.
La pneumonie peut se compliquer d’un empyème (collection de pus entre le poumon et la plèvre).
- Laryngo-trachéo-bronchite aiguë (croup)
Le croup est une complication possible chez l'enfant. Dans la plupart des cas, le croup est bénin. L’enfant guérit en 2 à 5 jours, mais la vigilance reste importante et l’enfant doit être surveillé pendant cette période car son état général et respiratoire peut rapidement se dégrader.
Le croup se manifeste par une toux caractéristique (« aboyante »), un cri ou une voix rauque, une gêne respiratoire, un bruit inspiratoire strident (stridor inspiratoire) dû à l’inflammation et au rétrécissement du larynx.
Le croup est bénin si le stridor apparaît lorsque l’enfant s’agite ou pleure mais disparaît lorsque l’enfant se calme, qu’il n’y a pas de signes de détresse respiratoire et que l’enfant est capable de boire et la saturation en oxygène (SpO2 est > 94%).
Le croup est modéré ou sévère s’il y a un stridor au repos (continu) et/ou qu’il est accompagné de signes de détresse respiratoire et/ou que l’enfant est incapable de boire, et/ou il y a une hypoxie (SpO2 ≤ 94%).
Complications oculaires [2]Citation 2.Perry RT, Halsey NA. The clinical significance of measles: a review. Orenstein WA, ed. J Infect Dis. 2004;189(Suppl 1):S4-S16. doi:10.1086/377712
Si l’œil est rouge et larmoyant, ces symptômes sont habituels et bénins et il ne s’agit pas d’une complication.
Les complications oculaires les plus fréquentes sont les infections bactériennes et la xérophtalmie par carence en vitamine A
bCitation b.La carence en vitamine A entraîne une diminution des défenses immunitaires, en plus des lésions oculaires.
.
Les pathologies entraînant des lésions de la cornée (kérato-conjonctivite, kératite, xérophtalmie) menacent directement l’intégrité de l’œil et sont potentiellement cécitantes.
- Conjonctivite purulente
La conjonctivite purulente est la complication oculaire la plus fréquente et la plus bénigne.
- Kératite et kérato-conjonctivite infectieuse
Ces infections sont plus rares. Elles sont associées à une diminution de la transparence ou de la brillance de la cornée. Si l’on peut pratiquer un test à la fluorescéine, l’examen met en évidence une érosion/ulcération unique cCitation c.La cornée normale ne retient pas la fluorescéine ; en cas de perte d’épithélium, la fluorescéine colore la lésion en vert. .
- Xérophtalmie
La xérophtalmie peut être vue à l’un de ces stades d’évolution : tache de Bitot (plaque de kératose blanchâtre sur la partie bulbaire ou blanc de l’œil), xérose cornéenne (cornée sèche et terne), kératomalacie (cornée opaque, ramollie ou perforée).
Complications digestives
- Diarrhées
Les diarrhées sont fréquentes pendant et après la maladie. Elles peuvent rapidement se compliquer d’une déshydratation, en particulier chez l’enfant.
- Lésions buccales (stomatites)
Les stomatites les plus fréquentes sont dues au Candida albicans. Une gingivostomatite herpétique est possible.
Complications neurologiques
- Convulsions
Ce sont les complications les plus fréquentes. Il s’agit le plus souvent de convulsions fébriles, non compliquées.
- Encéphalite aiguë post-éruptive
Cette complication est rare (un cas pour 1000 à 2000 vers le 3-6e jour après l’éruption) [2]Citation 2.Perry RT, Halsey NA. The clinical significance of measles: a review. Orenstein WA, ed. J Infect Dis. 2004;189(Suppl 1):S4-S16. doi:10.1086/377712 . Les symptômes sont : réapparition de la fièvre ou absence de défervescence, syndrome méningé, troubles de la conscience et convulsions.
5.1.5 Autres complications
Immédiates
Un purpura thrombopénique est possible entre le 3e et le 15e jour de l’éruption.
Post-rougeole
- La rougeole peut entraîner une malnutrition dans les semaines qui suivent l’infection.
- Le risque de décès est majoré chez l’enfant pendant plusieurs années en raison de l’amnésie immunitaire induite par la rougeole (Voir Section 1.1.4).
- Le noma (gingivo-stomatite gangréneuse) est une complication rare et extrêmement sévère chez les enfants malnutris de moins de 4 ans, mais non spécifique à la rougeole. Il débute par des ulcérations buccales sévères et malodorantes.
Tardives
La pan encéphalite sclérosante subaiguë est une complication très rare (1 cas/100 000) et très tardive (en moyenne 7 ans après l’infection)
[4]Citation 4.Moss WJ. Measles. Lancet. 2017;390(10111):2490-2502.
doi: 10.1016/S0140-6736(17)31463-0
.
Cas particulier : la femme enceinte
La rougeole peut majorer le risque de complications, en particulier entraîner une fausse couche, un accouchement prématuré, un petit poids de naissance, voire un décès maternel.
5.1.6 Co-morbidités
Malnutrition aiguë
Les enfants souffrant déjà de malnutrition sont plus susceptibles de développer des complications sévères.
Infection par le VIH
Chez les personnes immunodéprimées, la maladie est sévère et prolongée. L’éruption cutanée peut être absente [5]Citation 5.World Health Organization (WHO). Measles Outbreak Guide. Geneva: WHO; 2022. https://www.who.int/publications/i/item/9789240052079 .
Deux complications sont à redouter : la pneumonie interstitielle à cellules géantes et l’encéphalite aiguë progressive. Les premières causes de décès sont la pneumonie chez l’enfant et l’encéphalite chez l’adulte.
- (a)Les complications sont liées à l’altération des surfaces épithéliales (pulmonaires, digestives) et à l’immunosuppression transitoire consécutive à la rougeole.
- (b)
La carence en vitamine A entraîne une diminution des défenses immunitaires, en plus des lésions oculaires.
- (c)La cornée normale ne retient pas la fluorescéine ; en cas de perte d’épithélium, la fluorescéine colore la lésion en vert.
- 1.
World Health Organization (WHO). Rubella vaccines: WHO position paper – July 2020. Wkly Epidemiol Rec. 2020;95(27):301-324. https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/332950/WER9527-eng-fre.pdf?sequence=1
- 2.
Perry RT, Halsey NA. The clinical significance of measles: a review. Orenstein WA, ed. J Infect Dis. 2004;189(Suppl 1):S4-S16. doi:10.1086/377712
- 3.
World Health Organization (WHO). The Child, Measles and the Eye. Geneva, Switzerland: WHO; 2004. WHO/EPI/TRAM/93.05.
http://www.who.int/immunization/programmes_systems/interventions/ChildMeaslesEyeENG300.pdf - 4.
Moss WJ. Measles. Lancet. 2017;390(10111):2490-2502.
doi: 10.1016/S0140-6736(17)31463-0
- 5.
World Health Organization (WHO). Measles Outbreak Guide. Geneva: WHO; 2022. https://www.who.int/publications/i/item/9789240052079