Dépression

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Sommaire

    Dernière mise à jour : Juillet 2022

     

    La  dépression est  caractérisée par  un  ensemble de  symptômes évoluant depuis au moins 2 semaines de façon continue et entraînant une rupture par rapport au fonctionnement habituel du patient.

     

    Les critères standards de diagnostic d’une dépression majeure sont :

    • Une tristesse envahissante et/ou un manque d’intérêt ou de plaisir pour des activités habituellement investies

    Et

    • Au moins quatre signes parmi les suivants :
      • Changement significatif d’appétit ou de poids 
      • Insomnie, en particulier réveils précoces (plus rarement hypersomnie)
      • Agitation ou ralentissement psychomoteur
      • Fatigue importante, difficulté à assurer les tâches quotidiennes
      • Diminution de l'aptitude à prendre des décisions ou troubles de la concentration
      • Sentiment de culpabilité, d’inutilité, perte de confiance ou d’estime de soi
      • Sentiment de désespoir
      • Idées de mort, de suicide, passage à l’acte

     

    Toutefois, une dépression peut se manifester différemment d’une culture à l’autre a Citation a. D’où l’importance de travailler avec un « informateur » - au sens anthropologique du terme - si l’on n’est pas familier de la culture considérée. . Le patient peut par exemple exprimer des plaintes somatiques multiples plutôt qu’une détresse morale. Une dépression peut également se manifester par un trouble psychotique aigu dans un contexte culturel donné.

    Conduite à tenir

    Face à des symptômes dépressifs, penser à un problème organique sous-jacent (p. ex. hypothyroïdie, maladie de Parkinson), aux effets indésirables d’un traitement en cours (corticoïdes, cyclosérine, éfavirenz, méfloquine, etc.). Rechercher un événement déclencheur (p. ex. violences sexuelles, accouchement récent et dépression du post-partum).

     

    Les troubles dépressifs sont les troubles psychiques les plus fréquents chez les patients porteurs de maladies infectieuses chroniques graves comme l’infection par le HIV ou la tuberculose. Ils ne doivent pas être négligés, d’autant qu’ils ont un impact négatif sur l’adhérence au traitement.

     

    Les symptômes dépressifs sont habituels après une perte importante (deuil, exil, etc.). Dans la plupart des cas, ils cèdent progressivement grâce au soutien de l’entourage. Une aide psychologique est parfois utile. 

     

    Un traitement pharmacologique doit toujours être proposé, avec le suivi psychologique, en cas de dépression sévère (score QSP-9 Questionnaire sur la Santé du Patient, version à 9 questions > 19 ; incapacité à mener les activités quotidiennes, symptômes psychotiques et/ou risque suicidaire).

     

    En cas de dépression modérément sévère (score QSP-9 15 à 19), le traitement pharmacologique est justifié en l’absence d’amélioration après 3 séances de psychothérapie, ou si le patient indique d’emblée une préférence pour ce traitement. 

     

    Avant de prescrire, s’assurer que le patient peut être traité et suivi (au plan psychologique, observance, évolution) pendant au moins 9 mois.

     

    Privilégier les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), en particulier chez les patients âgés. Préférer la fluoxétine, sauf chez les femmes enceintes chez qui la sertraline est recommandée. 
    fluoxétine PO : 20 mg un jour sur deux pendant une semaine puis une fois par jour pendant 3 semaines puis augmenter la dose si nécessaire (max. 40 mg par jour) ; utiliser avec prudence en cas de troubles anxieux sévères associés ou d’immobilisation du patient (blessés) 
    ou 
    paroxétine PO : 10 mg une fois par jour pendant 3 jours puis 20 mg une fois par jour pendant 3 semaines puis augmenter la dose si nécessaire (max. 40 mg par jour), notamment si la dépression s’accompagne d’angoisse importante 
    ou 
    sertraline PO : 25 mg une fois par jour pendant 3 jours puis 50 mg une fois par jour pendant 3 semaines puis augmenter la dose si nécessaire (max. 100 mg par jour) 

     

    Évaluer chaque semaine la tolérance et la réponse au traitement pendant les 4 premières semaines. Si la réponse est insuffisante après 4 semaines à dose optimale ou si l’IRS est mal toléré, le remplacer par un autre IRS sans intervalle libre entre les deux. 

    En l’absence d’IRS, l’amitriptyline PO peut être une alternative : commencer par 25 mg une fois par jour au coucher et augmenter progressivement pour atteindre 75 mg par jour en 8 à 10 jours (max. 150 mg par jour). La dose thérapeutique est proche de la dose létale ; chez les patients âgés, réduire les doses de moitié.

     

    L’effet antidépresseur s’installe en 2 à 3 semaines pour les IRS, 4 semaines au moins pour l’amitriptyline. Il existe un risque de majoration anxieuse voire de suicide pendant cette période, en particulier avec la fluoxétine. Il est possible d’associer pendant les 2 premières semaines de l’hydroxyzine PO (25 à 50 mg 2 fois par jour, max. 100 mg par jour) ou de la prométhazine PO (25 à 50 mg une fois par jour au coucher). En l’absence d’amélioration après une semaine, changer pour diazépam PO (2,5 à 5 mg 2 fois par jour) pendant 2 semaines max. 

     

    Ne pas confier au patient plus d’une semaine de traitement au cours des 2 à 4 premières semaines ou confier le traitement à quelqu’un de l’entourage proche qui puisse s’occuper initialement d’administrer le médicament au patient. 

     

    Le risque suicidaire fait partie de toute dépression grave. En parler avec les patients ne majore pas le risque de passage à l’acte. Au contraire, les personnes dépressives sont souvent angoissées et ambivalentes par rapport au suicide et soulagées de pouvoir en parler.

     

    Si les troubles majeurs ne diminuent pas après un mois de traitement, augmenter jusqu’à la dose maximale et réévaluer après 2 semaines. En l’absence d’amélioration, référer si possible au psychiatre, sinon changer d'antidépresseur. 

     

    Le  traitement doit toujours être arrêté progressivement en 4 semaines. Prévenir le patient des risques de troubles liés au sevrage brutal (très fréquents avec la paroxétine).

    Cas particuliers des femmes enceintes ou allaitantes

    • Grossesse chez une femme déjà sous antidépresseur :

    Réévaluer la nécessité de poursuivre le traitement. S’il est poursuivi, il est préférable de maintenir le traitement habituel s’il est efficace plutôt que de changer d’antidépresseur. Toutefois, si la femme souhaite allaiter et est sous fluoxétine, envisager un changement d’IRS au moins 3 semaines avant l’accouchement afin de réduire le risque d’effets indésirables chez le nouveau-né pendant l’allaitement. Surveiller le nouveau-né pendant les premiers jours de vie, pour rechercher des symptômes de toxicité ou de sevrage.  

    • Dépression apparaissant pendant la grossesse ou après l‘accouchement : 

    La dépression est plus fréquente après l’accouchement (période de l’allaitement) que pendant la grossesse. En cas de dépression sévère du post-partum chez une femme qui allaite : préférer la sertraline, ou à défaut, la paroxétine, ne pas administrer de fluoxétine. En cas de dépression sévère pendant la grossesse : préférer la sertraline, éviter la paroxétine. 

     

    Notes
    • (a)D’où l’importance de travailler avec un « informateur » - au sens anthropologique du terme - si l’on n’est pas familier de la culture considérée.