8.2 Hémorragie primaire du post-partum

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Sommaire

     

    L’hémorragie primaire du post-partum est une hémorragie survenant dans les 24 heures après la délivrance (le plus souvent immédiatement) et dont le volume dépasse les 500 ml de la délivrance normale.

     

    Une surveillance étroite des femmes en salle de travail pendant les 2 heures qui suivent l'accouchement est indispensable pour dépister et prendre en charge rapidement l'hémorragie du post-partum (HPP).
    Le volume des pertes sanguines est le plus souvent sous-estimé (jusqu’à 50%).
    Un retard de prise en charge peut entraîner des troubles de la coagulation avec un risque de saignements diffus massifs et de décès. 

     

    Les 4 grandes causes d’HPP sont :

    • Atonie utérine (70% des cas) : le placenta a été évacué mais il n'y a pas de rétraction utérine. L'utérus augmente de volume, s'étale, devient mou. L’atonie est favorisée par la surdistension utérine (hydramnios, grossesse multiple, macrosomie fœtale), le travail prolongé, l'infection (chorio-amniotite). Elle peut être la cause de l’HPP ou se surajouter.
    • Traumatisme obstétrical (20% des cas) : rupture utérine en particulier en cas d’accouchement par voie vaginale sur utérus cicatriciel mais aussi sur utérus sain ; plaies cervicales ou vaginales ; inversion utérine.
    • Rétention placentaire (10% des cas) : le placenta entier ou un fragment de placenta est toujours dans l'utérus.
    • Troubles de la coagulation (< 1% des cas) : se référer au Chapitre 3, Section 3.2.2.

    8.2.1 Conduite à tenir dans les 30 premières minutes

    • Demander de l'aide car la réanimation et les gestes obstétricaux doivent être réalisés en parallèle.
    • Noter dans le dossier les résultats de l’évaluation initiale, la surveillance et les actions entreprises, en indiquant les horaires.

     

    Tableau 8.1 - Prise en charge initiale

     

    Réanimation

    Gestes obstétricaux de base

    • Mettre la patiente à plat.
    • Surveiller : pression artérielle (PA), pouls, conscience, respiration, SpO2 (si disponible).

    Objectifs : PA systolique ≥ 90 mmHg, SpO2 ≥ 95%, conscience normale, diurèse ≥ 30 ml/heure.

    • Si PA systolique < 90 mmHg, surélever les jambes (garder ou remettre les pieds dans les étriers).
    • Poser 2 voies veineuses (cathéter 16-18G).
    • Remplissage vasculaire : Ringer lactate ou chlorure de sodium 0,9% (1 litre en 15 minutes à renouveler autant que nécessaire).
    • Ajouter 1 g d’acide tranexamique (15 mg/kg si patiente < 15 ans, max. 1 g) dans le premier litre utilisé pour le remplissage.
    • Oxygène (15 litres/minute).
    • Déterminer le groupe sanguin de la patiente, sélectionner des donneurs potentiels ou vérifier la disponibilité en sang (a) Citation a. En cas de transfusion, le sang doit obligatoirement avoir été testé (HIV-1, HIV-2, hépatite B, hépatite C, syphilis, et paludisme en zone endémique). .
    • Mesurer le taux d’hémoglobine (HemoCue).
    • Évaluer et surveiller les pertes sanguines.
    • Délivrance artificielle si le placenta n'est pas encore délivré.
    • Massage de l'utérus pour expulser les caillots et favoriser la rétraction utérine (à renouveler toutes les 15 minutes dans les 2 heures suivant l’HPP).
    • Sonde de Foley pour maintenir la vessie vide et faciliter la rétraction utérine.
    • Révision utérine pour ramener caillots ou débris placentaires éventuels et vérifier l'absence de rupture utérine.
    • oxytocine pour corriger une éventuelle atonie utérine ou assurer la rétraction utérine : 5 à 10 UI en IV lente suivi d’une perfusion de 20 UI dans 1 litre de Ringer lactate ou de chlorure de sodium 0,9%, à administrer en 2 heures (160 gouttes/minute).
    • Révision de la filière génitale pour rechercher une blessure du col ou du vagin par examen avec des valves.
    • Si l’hémorragie persiste 15 minutes après le début de l’oxytocine et que si l’on suspecte une atonie utérine, administrer :

    misoprostol par voie sublinguale (b) Citation b. S'il est impossible d'utiliser la voie sublinguale, administrer la même dose par la voie rectale.  : 800 microgrammes [1] Citation 1. Organisation mondiale de la Santé. Recommandations de l’OMS pour la prévention et le traitement de l’hémorragie du post-partum. Genève, 2012.
    https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/141487/9789242548501_fre.pdf?sequence=1
    et/ou méthylergométrine IM : 0,2 mg

    8.2.2 Conduite à tenir en cas d'hémorragie persistante

    Tableau 8.2 - Prise en charge au-delà des premières 30 minutes

     

    Réanimation

    Gestes obstétricaux complémentaires

    • Poursuivre le remplissage vasculaire.
    • Administrer une deuxième dose d’acide tranexamique 30 minutes après la première dose : 1 g (15 mg/kg si patiente < 15 ans, max. 1 g) dans une poche de 100 ml de chlorure de sodium 0,9% à administrer en 15 minutes.
    • Ne pas re-administrer d’acide tranexamique ensuite.
    • Transfuser sur une voie veineuse dédiée si :
      • hémorragie massive (> 1500 ml), ou
      • instabilité hémodynamique, ou
      • troubles de la coagulation, ou
      • hémoglobine ≤ 7 g/dl

    Transfuser du sang total frais ou des concentrés de globules rouges ou du sang total + du plasma frais congelé en cas d’hémorragie massive et/ou troubles de la coagulation.

    • En cas d’atonie persistante : pose d'un ballon intra-utérin (c) Citation c. En cas de pose d’un ballon intra-utérin dans une structure SONUB, une évacuation vers une structure SONUC est indispensable pour pouvoir réaliser un geste chirurgical si nécessaire. .
    • Mesures additionnelles si nécessaire (Section 8.2.3).
    • Si la situation n'est pas contrôlée, réaliser par laparotomie les gestes chirurgicaux suivants :
      • Gestes conservateurs :
        • Ligatures étagées des pédicules afférents (ligaments ronds, vaisseaux utéro-ovariens, vaisseaux utérins) ;
        • Capitonnage utérin (type suture de B-Lynch ou autre) a Citation a. Pour plus d’information sur la technique de B Lynch : A Comprehensive Textbook of Postpartum Hemorrhage 2nd Edition. Section 9, Chapter 51: Therapy for Non-atonic Bleeding, C. B-Lynch and H. Shah. Conservative Surgical Management.
          http://www.glowm.com/pdf/PPH_2nd_edn_Chap-51.pdf
      • Gestes radicaux : hystérectomie avec conservation annexielle. Une hystérectomie subtotale est préférable (limite le temps opératoire).

    8.2.3 Conduite à tenir en cas d’hémorragie massive d’emblée

    En cas perte de 150 ml de sang par minute ou choc :

     

    • Réaliser la prise en charge initiale le plus rapidement possible et ne pas attendre 30 minutes pour réaliser les gestes complémentaires (ballon intra-utérin, gestes chirurgicaux).
    • Débuter la transfusion le plus rapidement possible.
    • Si nécessaire, associer une des mesures additionnelles de compression ci-dessous.

     

    Compression de l'aorte abdominale
    Compression juste au-dessus de l'ombilic, jusqu'à ce que le pouls fémoral ne soit plus perçu, le temps par exemple d’insérer un ballon intra-utérin ou de débuter la laparotomie (Figure 8.2).

     

    Figure 8.2 - Compression aortique

     

    Compression bimanuelle de l'utérus (Figures 8.3 et 8.4)

     

    Figure 8.3 - Compression de l'utérus entre les doigts vaginaux et une main abdominale

     

     

    Figure 8.4 - Compression de l'utérus entre le poing et une main abdominale

     

    8.2.4 Prise en charge spécifique

    Si les causes suivantes sont identifiées, une prise en charge spécifique est nécessaire en plus de la prise en charge générale.

    Traumatisme obstétrical

    • Rupture utérine : Chapitre 3, Section 3.3.
    • Plaies cervicales ou vaginales : Section 8.5.
    • Une épisiotomie peut être hémorragique : réaliser une hémostase transitoire d’un saignement artériel à l’aide d’une pince et suturer au plus vite.
    • Inversion utérine : Section 8.4.

    Rétention placentaire

    • Délivrance artificielle immédiate si le placenta n'est pas encore délivré et/ou révision utérine systématique pour ramener caillots ou débris placentaires éventuels (permet une bonne rétraction de l'utérus) et vérifier l'absence de rupture utérine (en particulier en cas d’accouchement vaginal sur utérus cicatriciel).
    • La délivrance artificielle et la révision utérine s'effectuent si possible sous anesthésie. Ne réaliser le geste sans anesthésie que si l'anesthésie ne peut être faite immédiatement.
    • Associer une antibioprophylaxie systématique (Chapitre 9, Section 9.1.2).
    • Très rarement, le placenta est impossible à extraire par délivrance artificielle car il n'y a pas de plan de clivage entre le placenta et la paroi utérine (placenta accreta). Dans ce cas, référer pour hystérectomie d'hémostase.

    Troubles de la coagulation

    • En cas de troubles de la coagulation, transfuser :
      • du sang total frais (prélevé depuis moins de 4 heures et qui n’a pas été réfrigéré), ou
      • des concentrés globulaires ou du sang total + du plasma frais congelé.
    • Les troubles de la coagulation peuvent être la cause mais aussi la conséquence de l'HPP. Une prise en charge active de toute l’HPP réduit le risque de troubles de la coagulation secondaires.

     

    Notes
    • (a)Pour plus d’information sur la technique de B Lynch : A Comprehensive Textbook of Postpartum Hemorrhage 2nd Edition. Section 9, Chapter 51: Therapy for Non-atonic Bleeding, C. B-Lynch and H. Shah. Conservative Surgical Management.
      http://www.glowm.com/pdf/PPH_2nd_edn_Chap-51.pdf
    • (a)En cas de transfusion, le sang doit obligatoirement avoir été testé (HIV-1, HIV-2, hépatite B, hépatite C, syphilis, et paludisme en zone endémique).
    • (b)S'il est impossible d'utiliser la voie sublinguale, administrer la même dose par la voie rectale.
    • (c)En cas de pose d’un ballon intra-utérin dans une structure SONUB, une évacuation vers une structure SONUC est indispensable pour pouvoir réaliser un geste chirurgical si nécessaire.
    Références