Dengue

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Sommaire

    Dernière mise à jour : Octobre 2022

     

     

    La dengue est une arbovirose transmise à l’homme par la piqûre d’un moustique (Aedes). La transmission par transfusion de sang contaminé et chez le fœtus, par voie transplacentaire, a été signalée.

    Il existe 4 sérotypes du virus de la dengue. L’infection par un sérotype confère une immunité à vie pour ce sérotype et une immunité partielle et à court terme pour les autres sérotypes. Il n’existe pas de traitement antiviral spécifique.

     

    La dengue est une maladie urbaine, présente en zone tropicale et subtropicale a Citation a. Pour plus d'informations : http://gamapserver.who.int/mapLibrary/Files/Maps/Global_DengueTransmission_ITHRiskMap.png?ua=1 , en particulier en Asie, Amérique centrale et du Sud, dans les Caraïbes. Des épidémies ont été décrites en Afrique de l’Est.

     

    La primo-infection peut être asymptomatique ou se manifester par une dengue modérée à sévère. Les infections successives augmentent le risque de développer une dengue sévère.

    Signes cliniques

    Après la période d’incubation de 4 à 10 jours, la maladie se déroule en 3 phases :

    • Phase fébrile : fièvre élevée (39 à 40 °C) pendant 2 à 7 jours, souvent accompagnée de douleurs généralisées, éruption cutanée et signes hémorragiques bénins. 
    • Phase critique (entre le troisième et le septième jour) : à la fin de la phase fébrile, la température diminue ; la majorité des patients font une dengue sans signe d’alerte et passent à la phase de convalescence. Certains patients développent une dengue avec signe(s) d’alerte à ce stade. Ces patients sont plus à risque de développer une dengue sévère.
    • Phase de convalescence : amélioration de l’état général, normalisation des signes vitaux, disparition des troubles digestifs et retour de l’appétit. Parfois, bradycardie et prurit généralisé.

     

    Symptômes selon la sévérité (adapté de PAHO [1] Citation 1. Pan American Health Organization. Dengue: guidelines for patient care in the Region of the Americas, 2nd edition. Washington, D.C.: PAHO, 2016.
    https://iris.paho.org/bitstream/handle/10665.2/31207/9789275118900-eng.pdf?sequence=1&isAllowed=y [consulté le 23 août 2022]
    )

    Dengue
    sans signe d’alerte

    Fièvre + 2 de ces symptômes :

    • Nausées, vomissements
    • Éruption cutanée ressemblant à la rougeole
    • Douleurs (céphalées, douleur rétro-orbitaire, myalgies, arthralgies)
    • Saignement cutané/muqueux bénin (pétéchies, signe du lacet (a) Citation a. Signe du lacet : gonfler un tensiomètre et le maintenir entre la minima et la maxima pendant 5 minutes. Le signe est positif si on compte au moins 20 pétéchies dans un carré de 2,5 cm de côté. , épistaxis, gingivorragies)
    • Leucopénie

    Dengue
    avec signes d’alerte

    Présence d’un de ces symptômes au moins :

    • Douleur abdominale intense
    • Vomissements persistants
    • Accumulation de liquide (ascite, épanchement pleural)
    • Saignement des muqueuses
    • Hépatomégalie (> 2 cm)
    • Hypotension orthostatique
    • Agitation ou léthargie
    • Augmentation de l’hématocrite

    Dengue sévère

    • Accumulation importante de liquide (ascite, épanchement pleural) avec détresse respiratoire et/ou choc
    • Saignement cutané/muqueux sévère
    • Atteinte organique sévère (p. ex. transaminases > 1000 UI/litre, myocardite, altération de la conscience)

    Principaux diagnostics différentiels

    Les autres maladies à envisager comprennent un large éventail de maladies fébriles aiguës, p. ex.:

    Laboratoire

    Diagnostic

    • Détection de l'antigène NS-1 pendant la phase fébrile avec test de diagnostic rapide ou ELISA (sérum, plasma ou sang).
    • Détection d'anticorps (interprétation complexe) :
      • La détection d'IgM 5 à 6 jours après le début de la maladie peut étayer (mais ne confirme pas) un diagnostic d'infection récente ;
      • La détection d'IgG peut indiquer une infection antérieure par, ou une vaccination contre, le virus de la dengue ou un virus étroitement apparenté (p. ex.  chikungunya, Zika, encéphalite japonaise, fièvre jaune).
    • La PCR peut être disponible dans les laboratoires de référence.
    • Dans tous les cas, test rapide de dépistage du paludisme dans les régions endémiques (et traitement antipaludique si nécessaire, voir Paludisme, Chapitre 6).

    Surveillance de l'évolution de la maladie

    • Hématocrite (Hct) ou si disponible numération-formule sanguine (NFS) au départ, puis quotidiennement si possible.
      • Une augmentation progressive de Hct est un signe d'alerte. Elle indique une hémoconcentration due à une augmentation de la perméabilité vasculaire (fuite plasmatique). L'Hct doit être surveillé fréquemment (avant et après l'administration de perfusions) chez les patients présentant des signes d'alerte, jusqu'à la fin du traitement par perfusion.
      • Une leucopénie et une thrombocytopénie sont courantes et s'améliorent au début de la phase de récupération. Une hyperleucocytose est possible en cas d'hémorragie sévère.
    • Tests de la fonction hépatique si possible au départ, puis en fonction des résultats.

    Traitement

    Patients du Groupe A (ambulatoire)

    Patients sans signe d’alerte, capables de boire suffisamment, avec une diurèse normale.

    • Repos au lit, bien hydrater.
    • Fièvre et douleur : paracétamol PO aux doses habituelles (voir Fièvre, Chapitre 1) ; respecter un intervalle de 6 à 8 heures entre les prises. Ne pas prescrire acide acétylsalicylique, ibuprofène ou autre AINS.
    • Re-consulter immédiatement si : absence d’amélioration, vomissements persistants, extrémités froides, agitation ou léthargie, difficultés respiratoires, arrêt de la diurèse.
    • Si une nouvelle consultation ou la surveillance des symptômes à domicile est impossible (patients éloignés de la structure sanitaire/vivant seuls), hospitaliser pour surveillance.

    Patients du Groupe B (hospitalisation)

    Patients répondant à l'un des critères suivants :

    • Signe(s) d'alerte
    • Comorbidités aiguës (p. ex. déshydratation ou paludisme sévère) ou chroniques (p. ex. diabète, maladies cardiovasculaires, rénales ou hémolytiques, obésité) 
    • Facteurs de risque de saignement (p. ex. prise d'anticoagulants, coagulopathie, ulcère peptique ou gastrite, traitement par AINS)
    • Femmes enceintes, patients de moins de 1 an ou de 65 ans et plus ou patients ayant des difficultés à boire

     

    Dans tous les cas :

    • Placer le patient sous moustiquaire, encourager l'hydratation orale (y compris solution de réhydratation orale (SRO) si nécessaire).
    • Eviter les actes invasifs (sonde gastrique, injection IM) pour réduire le risque de saignement.
    • Fièvre et douleur : paracétamol PO [2] Citation 2. Pan American Health Organization. Guidelines for the Clinical Diagnosis and Treatment of Dengue, Chikungunya, and Zika. Washington, D.C. : PAHO; 2022.  
      https://iris.paho.org/handle/10665.2/55867 [consulté le 16 août 2022]
      , avec prudence et sans dépasser :
      • enfant : 10 mg/kg toutes les 6 à 8 heures
      • adulte : 500 mg toutes les 6 à 8 heures
    • En cas d'élévation des transaminases ≥ 10 fois la limite supérieure de la normale, ne pas administrer de paracétamol. Utiliser un linge humide tiède pour réduire la fièvre.
    • Surveiller les signes vitaux, les entrées (perfusion, liquide par voie orale) et des sorties (diurèse) toutes les 4 heures b Citation b. Diurèse adéquate : au moins 1 ml/kg/heure chez l'enfant et 0,5 ml/kg/heure chez l'adulte. A défaut, s'assurer que le patient urine au moins toutes les 4 heures. .

     

    En cas de difficulté à s'hydrater par voie orale :

    • Poser une voie veineuse et administrer :
      • enfant : soluté de glucose 5% + Ringer lactate c Citation c. Retirer 50 ml de Ringer lactate (RL) d'un flacon ou d'une poche de 500 ml de RL, puis ajouter 50 ml de glucose 50% aux 450 ml de RL restants pour obtenir 500 ml de solution de glucose 5%-RL. comme apport d'entretien, selon la formule Holliday-Segar, soit 4 ml/kg/heure pour les premiers 10 kg + 2 ml/kg/heure pour les 10 kg suivants + 1 ml/kg/heure pour chaque kg supplémentaire au-dessus de 20 kg.
      • adulte : Ringer lactate, 2 à 3 ml/kg/heure
    • Encourager la prise orale de liquides dès que possible.

     

    En cas de signes d’alerte :

    • Surveiller l'état clinique (signes d'alerte, symptômes généraux, signes vitaux, temps de remplissage capillaire), les entrées (perfusion, liquide par voie orale) et des sorties (diurèse), toutes les heures pendant au moins 4 heures, puis toutes les 4 heures tant que le patient est sous perfusion.
    • Poser une voie veineuse et administrer un bolus de Ringer lactate :
      • enfant et adulte : 10 ml/kg en une heure
      • patient de 65 ans et plus ou avec comorbidité(s) : 5 ml/kg en une heure
    • Réévaluer le patient :
      • Si pas d'amélioration après le premier bolus : administrer un deuxième bolus comme ci-dessus. Si nécessaire, un total de 3 bolus peut être administré. Si toujours pas d'amélioration après 3 bolus, considérer comme une dengue sévère (patients du groupe C) et transférer en soins intensifs.
      • Si amélioration après le premier, deuxième ou troisième bolus, réduire le Ringer lactate :
        • enfant et adulte : 5 à 7 ml/kg/heure en 2 à 4 heures
        • patient de 65 ans et plus ou avec comorbidité(s) : 5 ml/kg/heure pendant 2 à 4 heures
      • Si amélioration continue, réduire le Ringer lactate (puis arrêter dès que possible pour réduire le risque de surcharge hydrique) :
        • enfant et adulte : 3 à 5 ml/kg/heure sur 2 à 4 heures, puis 2 à 4 ml/kg/heure sur 24 à 48 heures
        • patient de 65 ans et plus ou avec comorbidité(s) : 3 ml/kg/heure pendant 2 à 4 heures, puis 2 ml/kg/heure pendant 24 à 48 heures
      • Si l'état du patient se détériore après une amélioration initiale, reprendre les bolus avec Ringer lactate (jusqu'à 3 bolus) comme ci-dessus.

    Patients du Groupe C (soins intensifs)

    Patients atteints de dengue sévère nécessitant un traitement d'urgence pour gérer un choc et d'autres complications (p. ex. hémorragie sévère, acidose, coagulopathie).

    Prévention

    • Protection individuelle : port de vêtements couvrants, répellents, moustiquaire (Aedes pique le jour).
    • Élimination des sites de reproduction des moustiques (petites collections d'eau dans des pneus, pots de fleurs et autres contenants abandonnés).

     

    Notes
    • (a)Signe du lacet : gonfler un tensiomètre et le maintenir entre la minima et la maxima pendant 5 minutes. Le signe est positif si on compte au moins 20 pétéchies dans un carré de 2,5 cm de côté.
    Références