Annexe 46. Conduite à tenir en cas d’accident d’exposition au sang (AES) lors d’une campagne de vaccination

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Sommaire

    L’exposition accidentelle au sang ou aux liquides corporelles (AES) est définie comme tout contact accidentel ou involontaire avec du sang ou un liquide organique susceptible de contenir le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), d’une hépatite B (VHB) ou C (VHC) ou d’autres agents infectieux, à la suite d’une blessure avec une aiguille ou un autre instrument tranchant ou de l’exposition aux muqueuses ou à une peau endommagée.


    L’infection par le VIH après l’AES peut être prévenue par la mise en place rapide d’un traitement post-exposition (TPE) par la prise d’antirétroviraux ; l’hépatite B peut être prévenue par la vaccination et/ou les immunoglobulines. Il n’existe pas de vaccin contre l’hépatite C, mais il existe un traitement efficace.

    46.1 Premiers soins

    En cas de piqûre ou coupure avec du matériel contaminé par du sang (exposition percutanée) :

    • Laisser saigner la plaie (ne pas presser ou frotter la plaie)
    • Nettoyer immédiatement la plaie et la peau qui l'entoure à l'eau et au savon et rincer
    • Désinfecter la plaie et la peau environnante pendant 5 mn avec :
      • Polyvidone iodée 10% (bétadine®) ou
      • Solution chlorée à 0,05 -1% ou
      • Alcool à 70%


    La chlorhexidine cétrimide est active contre le VIH, mais pas contre le VHB, elle n’est donc pas recommandée pour les personnes qui ne sont pas vaccinées contre le VHB et ne doit donc pas être utilisée après l’AES.

    46.2 Évaluation du risque de transmission

    La probabilité de transmission dépend du type d’exposition, du type de liquide, de la quantité transmise de liquide ainsi que de l’état de santé et de la charge virale du patient source. Un médecin doit évaluer le risque de transmission du VIH et des hépatites après un AES.

    Cette évaluation doit être faite rapidement et de manière approfondie, afin de commencer la prophylaxie le plus tôt possible après l’accident aCitation a.Dès que possible après l’accident et au plus tard dans les 72 heures. Au-delà, le traitement n’aura plus d’effet. . Tous les AES ne requièrent pas un traitement prophylactique.


    En cas d'exposition percutanée, le taux de séroconversion est en moyenne de 0,3% pour le VIH et 10 à 30% pour l’hépatite B. Le risque réel de transmission dépend de la profondeur de la plaie, de la quantité de sang infecté transmise et de la charge virale du patient source. Lors des campagnes de vaccination, les accidents sont dus le plus souvent à une piqûre avec une aiguille ayant servi à une injection IM ou SC. Le risque est considéré comme « intermédiaire ».


    Dans le cas d’AES avec du matériel utilisé depuis plus de 72 heures, le risque d’infection est extrêmement faible pour le VIH mais reste significatif pour le virus de l’hépatite B.

    46.3 Prise de décision thérapeutique

    Le médecin de référence est chargé d’analyser le risque, d’apporter un soutien psychologique à la personne exposée et de décider de la conduite à tenir.


    L’analyse du risque doit être effectuée rapidement pour débuter dès que possible la prophylaxie, si nécessaire. L’analyse doit être minutieuse afin de poser clairement l’indication ou non de la prophylaxie antirétrovirale.


    La nature de l’exposition, le statut sérologique du patient source et le statut de la personne exposée (pour l’hépatite B) sont à prendre en compte pour décider de la conduite à tenir.


    Prescription d'une prophylaxie post-AES dans le cadre d’une exposition intermédiaire :


    Tableau 46.1 - Evaluation du risque VIH après l’AES et indications pour le TPE
     

     Statut du patient source
    Type d’expositionPositifInconnu (a)Citation a.Soit le patient source est inconnu, soit le patient source est connu mais son statut sérologique est inconnu. Négatif
    Risque élevé (b)Citation b.La source fait partie d’un groupe à haut risque (par exemple, travailleur du sexe, hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, consommateur de drogues injectables, comportement sexuel à haut risque) ou provient d’un pays où la prévalence du VIH est >1%.
    Négatif 
    Faible risque
    Exposition percutanée à des fluides infectieuxTPETPETPEPas de TPE
    Exposition de la peau intacte à tout fluidePas de TPEPas de TPEPas de TPEPas de TPE

    Le traitement prophylactique par les antirétroviraux doit commencer dans les 4 premières heures suivant l'AES et au plus tard dans les 72 heures. La durée totale du traitement est de 4 semaines.


    Tableau 46.2- Evaluation du risque d’hépatite B après un AES et indications pour le TPE
     

     Statut vaccinal de la personne exposée
     

    Entièrement vacciné (avec documentation)

    Partiellement 
    vacciné (avec 
    documentation)

    Non vacciné ou statut vaccinal 
    non documenté

    Ac anti HBs 
    ≥ 10 UI/mL

    Ac anti HBs 
    <10 UI/mL (c)Citation c.Non-répondeur au vaccin contre le VHB

    Ac anti HBs inconnu

      
    Statut
    AgHBs de la source
    AgHBs Négatif

    Pas 
    d’intervention

    Vaccination 
    complète (d)Citation d.Prévoir un calendrier de 3 doses : jour 0, 1 mois, 6 mois

    1 dose 
    de rappel

    Vaccination
    complète (e)Citation e.Reprendre le calendrier de vaccination afin de compléter les trois doses (jour 0, 1 mois, 6 mois)

    Vaccination complète (d)Citation d.Prévoir un calendrier de 3 doses : jour 0, 1 mois, 6 mois

    AgHBs positif ou 
    inconnu

    Pas 
    d’intervention

    Vaccination à calendrier rapide (f)Citation f.Vaccination à calendrier rapide : jour 0, 7, 21 jours, débutée dans les 24 heures *
    Immunoglobulines (g)Citation g.Si disponible, donner 1 dose d’immunoglobuline contre l’hépatite B (100 UI) avec la première dose de vaccin, séparément du site d’injection du vaccin

    Vaccination à calendrier rapide (f)Citation f.Vaccination à calendrier rapide : jour 0, 7, 21 jours, débutée dans les 24 heures *
    Immunoglobulines (g)Citation g.Si disponible, donner 1 dose d’immunoglobuline contre l’hépatite B (100 UI) avec la première dose de vaccin, séparément du site d’injection du vaccin

    Vaccination à calendrier rapide (f)Citation f.Vaccination à calendrier rapide : jour 0, 7, 21 jours, débutée dans les 24 heures *
    Immunoglobulines (g)Citation g.Si disponible, donner 1 dose d’immunoglobuline contre l’hépatite B (100 UI) avec la première dose de vaccin, séparément du site d’injection du vaccin

    Vaccination à calendrier rapide (f)Citation f.Vaccination à calendrier rapide : jour 0, 7, 21 jours, débutée dans les 24 heures *
    Immunoglobulines (g)Citation g.Si disponible, donner 1 dose d’immunoglobuline contre l’hépatite B (100 UI) avec la première dose de vaccin, séparément du site d’injection du vaccin

    * Si les résultats de l’échantillon sanguin, lorsqu’ils sont disponibles, montrent un anticorps protecteur (anti HBs ≥ 10 UI/mL), il n’est pas nécessaire d’administrer des doses supplémentaires de vaccin lors des visites de suivi.
     

      L’utilisation d’un traitement post-exposition avec le vaccin contre l’hépatite B et/ou des immunoglobulines peut réduire la transmission du VHB de 70 à 90 % lorsqu’elle est administrée dans les 12 à 24 heures suivant une exposition, elle n’est plus utile passé ce délai.

    46.4 Notification de l’accident et suivi de la personne exposée

    La confidentialité doit être respectée même en cas d'urgence ou de situation difficile.

     

    Après les premiers soins locaux, qu’un TPE soit prescrit ou non, l’accident est déclaré au responsable médical. 
    Un formulaire nominatif de déclaration d’AES est utilisé pour décrire l'AES et sa prise en charge. Ce formulaire confidentiel doit être complété par le médecin. Qu’un TPE ait été prescrit ou non, un suivi médical est obligatoire.

     

    Suivi clinique

    • Détection d’éventuels signes de séroconversion
    • Suivi de la tolérance du traitement prophylactique s’il a été prescrit, détection et prise en charge des effets indésirables
    • Accompagnement de la personne exposée : soutien psychologique : écoute active et contrôles réguliers (l’exposition peut être une source d’inquiétude), favoriser l’observance si le TPE est prescrit

     

    Suivi biologique

    • Réaliser les tests sérologiques VIH, VHC dans les 8 jours qui suivent l’AES (obligation médico-légale). Leur positivité indique que l’accident n’est pas la cause d’une séroconversion ; si l’un au moins des tests est positif, référer pour un suivi spécialisé.
    • Si VIH négatif, VHB négatif et VHC négatif, suivre ce calendrier :
     TPE prescritPas de TPE prescrit
    Entre J0 et J7 (h)Citation h.Les tests entre J0 et J7 sont obligatoires pour que l’accident soit reconnu comme accident professionnel pour les assurances. Seuls les tests écrits en gras sont absolument nécessaires. Si les autres tests ne sont pas disponibles, il est acceptable de gérer le TPE sans les faire. Statut sérologique de base

    VIH (i)Citation i.Suivre les directives de MSF/OMS. La confirmation de la séropositivité exige trois tests rapides positifs différents. , VHC : test rapide ou sérologie 

    VHB : si Ac anti-HbS < 10 IU/mL ou inconnu : faire un test rapidement. Surveillance biologique.
    J14
    (ou avant si indication clinique)
    Surveillance biologique selon TPE prescrit 
    Semaine 6
    (ou avant si indication clinique)
    VIH (j)Citation j.Le test VIH effectué à 6 semaines – s’il est négatif – peut rassurer la personne exposée. Cependant, il ne garantit pas totalement l’absence de séroconversion future, notamment chez les personnes sous prophylaxie ARV où la réponse immunitaire peut être différée. , VHC ARN si source VHC ARN+
    Surveillance selon TPE prescrit

    VIH 
    VHB 
    Si immunisé : pas de contrôle 
    Non immunisé 

    • Titre Ag HBs M1 et M3 
    • ALAT ASAT à M1
    Mois 3VIH, VHCVIH, ALAT ASAT

    46.5 Kit AES

    Les kits AES MSF (KMEDMPE03- MODULE PEP, prophylaxie post exposition post exposure prophylaxis 2021) contiennent les directives sur le TPE et une prophylaxie antirétrovirale complète (28 jours) pour une personne.

    • DORATELD1TPEP : 30 comprimés de Tenofovir 300 mg/Lamivudine 300 mg/Dolutegravir 50 mg
    • DORATELA1T- : 30 comprimés de Tenofovir 300 mg/Lamivudine 300 mg
    • DORADRVR45T: 60 comprimés de Darunavir 400 mg + 30 comprimés de Ritonavir 100 mg


    Le kit contient une trithérapie classique MSF (mais le contenu du kit peut varier en fonction du protocole national).


    Un stock de quelques vaccins contre l’hépatite B peut être envisagé dans un contexte de forte prévalence hépatite B mais pas d’immunoglobulines.

     

     

    Notes
    • (a)

      Dès que possible après l’accident et au plus tard dans les 72 heures. Au-delà, le traitement n’aura plus d’effet.

    • a

      Soit le patient source est inconnu, soit le patient source est connu mais son statut sérologique est inconnu.

    • b

      La source fait partie d’un groupe à haut risque (par exemple, travailleur du sexe, hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, consommateur de drogues injectables, comportement sexuel à haut risque) ou provient d’un pays où la prévalence du VIH est >1%.

    • c

      Non-répondeur au vaccin contre le VHB

    • d

      Prévoir un calendrier de 3 doses : jour 0, 1 mois, 6 mois

    • e

      Reprendre le calendrier de vaccination afin de compléter les trois doses (jour 0, 1 mois, 6 mois)

    • f

      Vaccination à calendrier rapide : jour 0, 7, 21 jours, débutée dans les 24 heures

    • g

      Si disponible, donner 1 dose d’immunoglobuline contre l’hépatite B (100 UI) avec la première dose de vaccin, séparément du site d’injection du vaccin

    • h

      Les tests entre J0 et J7 sont obligatoires pour que l’accident soit reconnu comme accident professionnel pour les assurances. Seuls les tests écrits en gras sont absolument nécessaires. Si les autres tests ne sont pas disponibles, il est acceptable de gérer le TPE sans les faire.

    • i

      Suivre les directives de MSF/OMS. La confirmation de la séropositivité exige trois tests rapides positifs différents.

    • j

      Le test VIH effectué à 6 semaines – s’il est négatif – peut rassurer la personne exposée. Cependant, il ne garantit pas totalement l’absence de séroconversion future, notamment chez les personnes sous prophylaxie ARV où la réponse immunitaire peut être différée.